Chronique du 29 mai 2004

Il est des nouvelles qui rythment notre vie d’insulaires, dans les communiqués et avis locaux radiodiffusés, de la naissance d’un petit dernier à la disparition brutale d’un être aimé, du chien perdu sans collier noir, blanc et feu au petit chat de la voisine retrouvé (pas la voisine, le chat), en passant par le porte-clefs rapporté à la mairie et les derniers sens dessus dessous disponibles au rayon lingerie de votre déshabillleur préféré.

Voilà qu’en ce 29 mai 2004, un avis vient perturber la douce torpeur des badigoinces toutes à l’honneur du dernier petit plat de la ménagère (les avis et communiqués sont à l’heure des repas) : le Rustique est à vendre !

Comment ? Ce haut lieu de la vie collective, celui qui permet d’échapper à la solitude de la contemplation cathodique ? Après le Marine-Bar, le Rustique va fermer ses portes ? Nom de Dieu, vieux, il y a du mou dans la corde à nœuds ! C’est qu’on va tous devenir desdichados, veufs, inconsolables à la glotte inassouvie ! Mais qu’est-ce qui passe, bordel de nous-mêmes ? On a perdu un bar, un hôtel (tu sais, celui qui est sis place du Général de Gaulle) ; la saison touristique 2004 n’a pas commencé et l’infrastructure continue de partir en couilles ? Bon, on a un bureau Saint-Pierre et Miquelon à Moncton, Nouveau-Brunswick, mais c’est vraiment une poire pour la soif, je te le dis.

Le Rustique est à vendre ! Tu vois pas qu’on y loge encore une administration ? Encore un bar à bas, me voilà crucifié !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
29 mai 2004