Chronique du 27 septembre 2004

Micmac à Saint-Pierre et Miquelon. Mais le Grand Esprit ne fait-il pas bien les choses, comme dirait le chef indien Misel Joe, venu à Miquelon au cours de l’été 2004 pour les grandes retrouvailles commémoratives sous le sceau de l’histoire acadienne ? Voilà le maire de Miquelon propulsé au Sénat, bouleversant les schémas traditionnels de la politique archipellienne. Une première.

L’opposition qui avait tendance ces derniers mois à se retrouver face au Conseil général du président Marc Plantegenest et de sa colistière Karine Claireaux, également maire de Saint-Pierre, n’aura pas réussi à opérer la jonction pour les sénatoriales, Cap sur l’Avenir ayant voté Karine Claireaux au 2è tour, aux dires de celle-ci, confirmés par Yannick Cambray lui-même, alors que les voix d’Archipel Demain se reportaient sur le maire de Miquelon, rejoignant ainsi celles de Marc Plantegenest, qui de leur côté auront suivi une consigne visant à donner la leçon à la maire dissidente. Les remerciements du maire de Saint-Pierre battue, à l’encontre de Cap sur l’Avenir, ne sont-ils pas annonciateurs de repositionnements ultérieurs ?

Car quoiqu’on s’en défende, les obédiences nationales ont leur influence. Cap sur l’Avenir, mouvement d’opposition de gauche, couleur verts – radicaux de gauche – pouvait-il rejoindre Archipel Demain, dont le président Yannick Abraham se réclame de l’UMP, sous la houlette du député de l’Archipel, Gérard Grignon marqué lui aussi à droite ? Cela n’aura pas empêché les conseillers généraux de gauche de donner la leçon à a maire de Saint-Pierre pourtant investie par le Parti socialiste, en se reportant sur le maire de Miquelon non marqué politiquement. Une élection marqué par un méli-mélo entre les positionnements politiques fondamentaux, voire idéologiques d’une part, et les déchirements de personnes, d’ambitions, issues d’un microcosme insulaire d’autre part.

En l’occurrence, la gauche n’aura-t-elle pas été gauche et la droite adroite, les deux grands perdants de cette tragi-comédie s’étant envoyés dans les roses, réflexe somme toute fort naturel ? La journée aura été marquée par une cocasserie irrésistible que les images de RFO reflétaient involontairement. Pendant que le spectateur tenu en haleine dès la mi-journée assistait aux mouvements fébriles des différents QG de gauche, de droite, les porteurs de voix défilant en rangs d’oignons dans le respect des consignes, le maire de Miquelon, présent à Saint-Pierre pour la circonstance attendait sereinement, les mains dans les poches, que tous ces grands enfants viennent à lui.

Sorti premier dans un extraordinaire concours de circonstances, le maire de Miquelon, sénateur de l’Archipel, bénéficie toutefois d’une réelle légitimité, de par son statut d’édile, tout d’abord, mais aussi par la sagesse qui aura émané de lui tout au long de la journée. N’était-il pas là en réalité pour donner, sans le vouloir, la leçon à une bande de grands fous ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
27 septembre 2004