Chantal Grimm, “Nous les rêveurs”

Parlons chansons si tu veux bien. Parce qu’il est bon de rêver, n’est-ce pas dans ce monde en folie sans trêve qui vous briserait les rêves ?

« Nous les rêveurs »! Tiens, j’emprunte le titre éponyme à Chantal Grimm dans son album daté de 2002. Est-ce parce que moi aussi je suis passé de « l’autre côté » comme dans son premier titre quand les décennies commencent à s’égrener ? Non pas de l’autre côté du seul mur qui nous sépare de la vie, car tu ne me lirais plus. Mais de l’autre côté d’un certain pan de l’existence peut-être…

Chantal Grimm, je ne la connaissais pas, je te l’avoue. Et voilà que le hasard de la vie fait que j’écoute soudain une « chanson de marin » qui m’emporte à mon tour : « ton bateau voguait sur l’amour / Tanguez roulez sous le vent qui caresse ». C’est beau et plein de vie, imprégné de ce balancement qui scande les airs de marins les plus optimistes. Mes fibres insulaires vibrent aussi au son de « Transit-blues », autre titre de l’album, quand il aura fallu un jour penser aux êtres chers éloignés, seul dans une salle de transit d’un aéroport. Parce que vivre sur une île c’est aussi la quitter un jour pour poursuivre ses études en métropole par exemple. « Alors j’reste en transit sans territoire / Derrière les vitres y’a du brouillard » Le vol a beau être pour Napoli, le sentiment est le même pour celui qui t’emmène vers Paris.

Et me voilà emporté par les délires de l’artiste dans une recherche d’ « art-thérapie », comme la brochette de rêveurs en tous genres que dépeint l’auteur-compositeur-interprète avec humour. Tudieu ! Un ronflement d’orgue soudain ! Pour un « mariage »… Mais quel mariage ! Car « qui tient la traîne ? / Un morceau de haine ! » « Qui est la mariée ? / C,est l’inimitié ! » Regard percutant sur les déchirures de l’existence.

Vient le temps de la nostalgie. « Ne vous approchez pas » ; une autre chanson pour te camper encore « de l’autre côté ». Peut-on échapper à ce moment de pause ?

Les tempos, les atmosphères se succèdent. Belle chanson chargée d’optimisme que celle de « Petit bébé » dans son rythme aux senteurs d’Afrique. A mettre entre tous les bras.

Car la vie est une perpétuelle oscillation entre des forces contradictoires. « C’est l’amour l’amour l’amour / Si l’amour s’en va c’est la mort » ; « C’est vouloir vouloir vouloir / Volonté brisée c’est chaos ». Parole si vraie aux confins de nos îles pétries d’incertitudes.

Que l’on accorde une petite place au jeu sur les mots, sur les sonorités, et la bonne humeur revient comme dans cette belle trouvaille de « Beau T ». Allez, cher lecteur, répète à haute voix : « Ta tante et ton tonton t’ont tour à tour ôté / Ta toque et ton tutu autour de ta beauté ».

« Ex-figure de la « chanson féminine » qui émergea dans l’ombre du militantisme des années 70 » nous dit Libération à propos de Chantal Grimm. Occasion de mesurer le parcours de l’artiste dans « Si on jouait ». : « Les femmes aiment les câlins sucrés / Elles veulent un « avant », un « après » / Les hommes préfèrent la mécanique / L’instantané l’automatique ». Le trait reste juste en 2004.

Bref, ne serions-nous pas, nous tous, « des paumés / des pauv’gosses mal aimés / des mendiants / des frustrés du cœur » à nous révéler rêveurs ?

Tu m’auras ainsi accompagné au fil de cette chronique dans ce petit bout de chemin pour une écoute à laquelle je t’invite à mon tour. Ce CD t’enchantera. Chantal Grimm chante, s’accompagne au piano, soutenue, au gré des chansons, par des guitares, une contrebasse, un saxophone alto, une clarinette, un violoncelle ou un harmonica, sans oublier les chœurs.

Voilà donc une artiste, me suis-je dit, qui, après l’Allemagne, la Suède, l’lnde, l’Italie, les USA,devrait venir à Saint-Pierre et Miquelon.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 novembre 2004

Chantal Grimm, Nous les rêveurs

Site internet : http://chantalgrimm.free.fr
E-Mail : chantal.grimm.free.fr

Production Pivoine, 55, rue Raymond Losserand 75014 PARIS