Michel Haumont, “Ma guitare”

Dès le premier morceau, te voilà emporté dans la danse, irlandaise de surcroît. Les cordes vibrent, la Takamine livre son âme sous les doigts d’un artiste de talent. Michel Haumont a voulu fixer un moment de sa vie, tout entière consacrée à la guitare, cet instrument magique. « Cette guitare a parcouru le monde », disait Le Forestier, phrase reprise dans le livret dans une présentation multilingue. 2è morceau, autre lieu, autre atmosphère, pour évoquer au rythme d’une valse emplie d’émotion chaleureuse, le quartier de la « Goutte d’or » à Paris où réside par choix le compositeur interprète. Parcours de vie aussi avec l’hommage rendu au maître initiateur Marcel Dadi et à son style « fingerpicking » dont le prolongement se retrouve plus loin sur l’album au dixième morceau, rythme de valse encore, parcours abouti, avec l’excellente maîtrise des harmoniques. Car Michel Haumont a forgé son style, lui qui sera venu plusieurs fois à Saint-Pierre et Miquelon, en compagnie de Gilbert Laffaille, puis une nouvelle fois dans le cadre d’ateliers guitaristiques au Centre culturel, une fois encore lors du Festival Franco-Marines en 1997 aux côtés de Vincent Absil. Michel Haumont, artiste accompli qui aura également accompagné Maxime Le Forestier sur la route de 150 concerts, qui se sera impliqué aussi dans le projet « autour de la guitare » avec Jean-Félix Lalanne, et que l’on aura aussi retrouvé en compagnie de Manu Galvin, de Gilles Michel, de Jean-Jacques Milteau et son harmonica.

Désir donc à un moment de la vie, quand les tempes grisonnent, de suspendre le vol du temps. CD fort bien enregistré au demeurant, dans les studios d’un autre artiste, Peter Finger, à Osnabrück, en Allemagne. Bel équilibre de sonorités, richesse du registre de la guitare qui nous livre toutes ses nuances des basses aux aigus. Morceaux composés pour évoquer les voyages également, comme « Curaçao », aux accents sud-américains. Etats-Unis, présents bien sûr, avec un air d’open tuning à la Léo Kottke, un virtuose de la spécialité, ou encore le Boston Rag, histoire d’évoquer Brownie Mc Ghee (venu lui aussi à Saint-Pierre) ou Stefan Grossman. Puis soudain une tout autre ambiance qui nous surprend et nous enveloppe d’emblée. Nous voici en Chine avec un duo enchanteur, Michel Haumont – Wang-Jia, une joueuse de pipa, « sorte de guitare chinoise ». La rencontre est réussie, la magie joue à plein. Au fil des morceaux, Michel Haumont rend hommage aux artistes qu’il aura rencontrés, Manu Galvin, Gilbert Laffaille, Jean-Jacques Milteau et tant d’autres. Car la musique est portée par l’amitié communicative.

Quoi de plus normal alors que de trouver un air dédié aux moments d’insouciance en compagnie de sa femme et de ses enfants avant de livrer le titre éponyme, « Ma guitare », pour dire la force du lien avec Takamine qui aura accepté de lui réaliser un instrument à son nom, appelé désormais à la construction duplicative. Un petit clin d’œil encore à Marcel Dadi et François Ovide, avant de nous laisser dans un rêve en suspens dans une bossa sans fin…

« This guitar has been around the world », je te dis. Et je te laisse déjà pour me laisser emporter à nouveau par la danse irlandaise. Comme les artistes que Michel Haumont aura côtoyés, je sens que je pourrai l’écouter 150 fois, moi aussi.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
18 décembre 2004

Michel Haumont, « Ma Guitare », Bonsaï Music, BON 041105 – 2004