Un Dimey “Jehan” à Saint-Pierre et Miquelon

Un grand gaillard, un micro sur sa perche, une guitare et, figé au bout d’une ficelle invisible venue du plafond, un grand oiseau de bois pour mieux te préparer à « l’oiseau de passage » qui est là. Nous sommes à l’Escale, Centre Culturel et Sportif, jeudi 10 février 2005.

Soudain cette voix qui te saisit, te capte, t’envoûte déjà ! « L’aventure la voilà », dans l’écriture de Dimey et la magie musicale de Jehan. Ont-ils écrit et composé ensemble ? Tu ne le sais pas, mais tu te dis qu’ils ont visité le zoo de Vincennes unis dans le regard pour mieux saisir l’âme humaine, navigué dans la vie au rythme des saisons et qu’ils ont sifflé un dernier godet avant que… Car Bernard Dimey s’est éclipsé trop tôt à cinquante berges dans l’au-delà de tout ce qui nous guette, nous aussi. Mais il a chargé Jehan de nous consoler, de nous faire rire, de décaper la vie de toutes les fioritures inutiles, pour mieux saisir « les petits plaisirs » et mesurer ta propre sensibilité, ta fragilité, ta plénitude à « l’heure des ivrognes ».

L’intensité est telle que chaque mot te touche, te laissant bouche bée. Petit détour par Claude Nougaro, Gilbert Laffaille, Delphine Boubal et tu captes « l’essentiel / L’essence de toutes choses / Le parfum où repose / L’arôme existentiel » comme l’aura écrit celle-ci, à l’écriture si forte dans le CD de Jehan « L’envers de l’ange ». Puis Bernard Dimey à nouveau jusqu’au moment de « l ‘adieu » que tu savais inexorable mais que tu voulais reculer à l’extrême limite du rappel.

Car Jehan t’a dévoilé, t’a chanté, t’a porté ; tu étais dans le moindre interstice de cette poésie de chair, de plaisir, de rêve et de souffrance, dans une osmose vivifiante entre l’écriture de l’un, la voix de l’autre et l’essence de ton plaisir, toi le public d’un soir, à Saint-Pierre et Miquelon, bouleversé par tant de beauté et de sincérité. Et tu envies déjà celui qui prendra la relève vendredi pour un émerveillement renouvelé

Henri Lafitte, Chroniques musicales
11 février 2005