Chronique du 9 juin 2005

On a perdu la pêche, le port et la fraude (la vente d’alcool à nos voisins, ndlr), m’a dit un commerçant à la retraite. On ne peut demander aux politiques de trouver une solution qui remplacerait tout ça. L’homme sait de quoi il parle ; il a beaucoup travaillé et s’estime chanceux. Aujourd’hui, pour les jeunes, c’est beaucoup plus difficile ; son fils a pris la suite et les charges sont lourdes dans un contexte d’effondrement des ventes.

Il est vrai que malgré tous les efforts que l’on ne peut ignorer, aucune reconversion viable n’a été trouvée. Aucune activité ne semble pouvoir se déployer sur la base d’argent frais venu des exportations, comme du temps où la pêche à la morue battait son plein. Aujourd’hui, il faut constamment se tourner vers Paris pour défendre le principe de la « commande publique », seule source d’emplois du secteur privé. Des activités nouvelles comme l’aquaculture ne peuvent se passer des subventions. Nos représentants ne sont guère plus que de super « quêteux », comme dirait un Québécois, d’où un rapport d’allégeance obligée vis-à-vis de Paris qui touche tous les niveaux de la population, quoiqu’on s’en défende. Le sentiment de frustration n’en sort qu’amplifié. Tout au plus peut-on attendre que chaque partenaire remplisse honnêtement un rôle somme toute peu glorieux.

Alors, le tourisme demain ? Le pétrole ? La carte de l’Europe ? En ce qui concerne cette dernière, elle semble n’être guère plus qu’une translation de l’éternelle quête d’argent frais pour entretenir le quotidien sans véritable vision de développement. Aujourd’hui, l’Archipel donne une image qui se dégrade, dans ses rues, ses trottoirs, de nombreux bâtiments publics, un hôpital dans un état lamentable. Les moindres frais d’entretien relèvent d’une véritable prouesse pour les autorisations de programmes nécessaires. Bien sûr d’autres éléments du décor viennent contrebalancer cet état général, ce qui n’enlève rien à la gravité de la situation. La relance ne peut guère passer que par quelques éclairs de génie. Mais ils ne se décrètent pas.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
9 juin 2005