Les monologues du Vagin

Les Monologues du Vagin ? MY God ! J’ai cédé à l’appel du sexe ? Bien m’en a pris de m’être rendu au Centre culturel, ce jeudi 9 juin 2005, pour la mise en scène des textes de l’américaine Eve Ensler par trois femmes de l’Archipel, Dominique Bouvier, Carine Paturel, Rosianne Artur De Lizarraga, qui auront su trouver d’emblée le ton juste pour entraîner l’adhésion du public. Trois femmes, une grande interaction de sensibilités et les réactions dans la salle, les fous-rires, la tension des moments lourds de gravité, la détente, les applaudissements.

Comment ne pas saluer le courage de la démarche pour arborer un mot « tabou », qui dérange en tout cas, y compris dans une communauté insulaire comme la nôtre ? Mais que de chemin parcouru ces dernières années ! Contrairement aux idées trop rapides, nos îles font sans doute preuve d’une compréhension et d’une tolérance plus grandes qu’on ne l’imagine. Il aura fallu du temps, bien sûr et l’expression artistique aura accompagné cette libération de l’esprit, sachant que rien n’est jamais acquis.

Par ces « Monologues », menés avec entrain, humour, expressivité, nos trois comédiennes auront su communiquer avec le public pour l’amener à porter son regard sur la féminité dans ses moments de bonheur et de douleur, de joie et de souffrance, de rencontres intimes, mais de violence aussi – j’ai tout particulièrement été frappé par le témoignage de la femme yougoslave, violée parce que c’était la guerre, au cœur de l’Europe -, de l’enfance au crépuscule de la vie.

Force des textes avec un mot omniprésent que l’on aurait à peine osé évoquer publiquement à Saint-Pierre et Miquelon il y a quelques années, superbe évocation de la condition féminine qui ne peut laisser l’homme indifférent, poésie aussi, intensité et allégresse pour un pari osé, mais réussi car le public aura été ravi. Les commentaires allaient bon train sur le perron, au sortir de cette rencontre privilégiée ; chacun emmenait avec soi sa part d’intensité humaine.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
9 juin 2005