Chronique du 17 juillet 2005

Je trimballe depuis quelques semaines un « syndrome thalassien » ; ne sommes-nous donc que ce petit monde clos de grisaille et de froid perclus sur le seul ersatz du temps passé ? La « diversification » tant vantée ne serait-elle qu’un leurre tout juste bon à endormir le peuple dans des discours de circonstance vite classés pour resservir dès qu’une autre occase se présente ? Bref, une vision pour l’Archipel est-elle possible ? Une vision est-elle possible sans visionnaires ? Saint-Pierre et Miquelon ne souffre-t-il pas d’un manque de souffle ?

C’est l’été. Voilà qu’on s’installe dans le pseudo confort de l’évidence d’un festival musical qui doit se dérouler vaille que vaille parce que la qualité de nos artistes, la floraison des talents, la la la la la lére, bla bla bla bla bla blaire… comme dit le Politique qui dans le fond s’en contrefout. Et dans le port il y a des petits bateaux, des visiteurs, sans assez de place pour les accueillir ; et puis on aura droit aux paquebots qui s’accrocheront pour quelques heures à un quai en ruines. Et 2005 répètera 2004, en attendant 2006, parce qu’heureusement « le temps s’écoule, la vie s’enfuit, les jours défilent au pas de l’ennui » comme chantaient des ouvriers en grève dans une chanson reprise par Gilles Servat.

J’étais samedi 16 juillet 2005 dans une immense caisse de résonance – la salle de sports du Centre culturel et sportif dans laquelle artistes et public s’étaient faits une nouvelle fois piéger – et j’avais mal cœur de nous voir tous ainsi condamnés à supporter derechef le décalage entre des talents de plus en plus porteurs d’espoir et la passivité du marais politique tout juste bon au serrage de paluches à l’occasion de visites ministérielles et aux grands palabres concomitants dans l’oubli d’une salle de spectacles à la hauteur des évidences. Certes concevoir ce genre de soirée, alors que l’on sait au départ que le son sera désastreux, était une erreur. Mais du fait de l’incurie généralisée, pourquoi ne pas s’orienter en attendant vers des « partys de cuisine » ? On aura au moins la bouffe et la musique dans une approche égoïsto-nombriliste en attendant la fougue salutaire d’un inconnu porteur d’une véritable dynamique collective.

« De la musique avant toute chose / et pour cela préfère l’impair » a écrit le lucide Verlaine.
Alors mettons les pieds dans le plat histoire de donner le LA.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 juillet 2005