Chronique du 3 novembre 2005 (3)

On se souviendra donc d’un début de mois de novembre 2005 torturé, à l’image d’une météo d’automne offrant en accéléré heures d’ensoleillement, ciels bas et lourds, pluie et vent, relative douceur mais signes annonciateurs des grands refroidissements à venir. On se souviendra de ces temps boulversés comme ces hirondelles portées par les grandes masses d’air des dernières tempêtes, désemparées, déboussolées, en quête d’une nourriture que notre archipel ne peut leur offrir, venant se jeter sur les voitures comme pour fixer les symboles du désarroi.

Car les hommes sont eux aussi cueillis parfois au dépourvu par un destin qui les prend au débotté, les malmène, les secoue, comme le vent qui triture soudain les arbres. Le préfet de l’Archipel sera intervenu sur les ondes de RFO, au journal de Vingt heures, le 2 novembre 2005, pris comme tant d’autres dans une histoire insulaire difficile, nourrie de grandeurs et de misères, de l’impact de toutes les décisions prises ou à prendre, d’attentes inassouvies, de cris d’alarme et d’espoirs souvent déçus, soucieux de calmer les angoisses et de trouver l’ouverture.

Car les urgences sont là. L’Archipel aura besoin d’être ravitaillé au lendemain du dernier voyage de l’Askania, la société Alliance SA se trouvant une nouvelle fois comme en septembre dans l’impossibilité d’assurer sa mission de transporteur, du fait de l’effondrement reconnu des volumes (et des valeurs y afférant) importés. Comment expliquer alors ce décalage entre ce qui était prévu et la dure réalité d’aujourd’hui ? Gouverner c’est prévoir, dit-on. A-t-on mal lu les indicateurs de l’activité économique ? Les effets d’une diversification inaboutie seraient-ils donc d’une amplitude qu’il était difficile d’imaginer ? Les soubresauts permanents de la vie politique locale et ses répercussions sur l’activité économique globale comportent-ils leur part d’explication ? Il reste que demain la pénurie peut s’installer et concerner tout le monde ; chacun est conscient de la gravité de la situation.

Le chauffage a considérablement augmenté – +28% -, un dérapage en pourcentage qui vient frapper de plein fouet les plus démunis, nombre de personnes âgées notamment, mais aussi les jeunes foyers, sans parler de l’impact sur le budget de tous les ménages déjà fortement malmené. Quelles peuvent être les solutions d’urgence pour éviter aux humains le sort des hirondelles ?

Sans doute faudra-t-il faire preuve de ressources – humaines celles-là – à la hauteur des défis immédiats à relever.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
3 novembre 2005