Souad Massi, “Mesk Elil”

Les thèmes du nouvel opus de Souad Massi – pour qui prend soin de lire le livret en français – semblent à la première audition bien ordinaires. Souffrance de la séparation quand vient l’automne propice à la nostalgie, une odeur qui te rappelle à ton passé, désir de revoir le pays natal, recherche introspective pour « soulager sa peine »…

Mais la mise en forme musicale, la sensibilité féminine, le parcours de l’artiste, sa voix subtile, font que l’on est une nouvelle fois conquis. Souad Massi est grandement entourée, le premier titre, « Mesk Elil » qui donne son nom à l’album, t’emporte dans un flot de cordes.

Belle interrogation, nourrie d’inquiétude, dans la démarche de cette Algérienne soumise aux influences de ses pérégrinations musicales. Peut-on perdre son âme ? « Quand on vit loin de chez soi, on change / On devient une autre personne / Ma crainte est que demain chez moi / On me regarde comme un étranger ».

« Il est important de respecter ses racines / De même qu’il est tout aussi important / De respecter celles des autres », dit la quatrième chanson dans un très beau duo avec Daby Touré. Très belle mélodie également nourrie de souvenirs pour évoquer la maison de son grand-père. Charme de cette continuité humaine aux accents du Maghreb pour établir le lien avec toutes nos destinées, quelles que soient nos origines. Et dire que l’on s’obstine dans les clivages… Guitares, percussions sont porteuses d’unité, de rencontres dans le balancement qui t’envoûte à ton tour.

Belles sonorités venues d’Afrique du nord dans « denya wezmen, c’est la vie ». Il y est question de séparation entre deux êtres. Mais la vie n’est-elle pas perpétuelle réécriture, l’originalité résidant dans l’unicité de la tonalité ? Autre beau duo ondulant dans « Tell me why », dans l’oscillation entre la langue arabe et l’anglais.

Car j’aime cette délicatesse des évocations comme dans « il y a pire », lorsque l’artiste rencontre une amie perdue de vue depuis quatre ans qui lui raconte ses déboires, ses désillusions, les affres des déceptions, ses souffrances intimes, mais qui se ressource dans la chanson qui réconforte : « elle m’a dit / J’adore la chanson où tu chantes / L’oiseau qui ne volera jamais / J’ai l’impression que tu la chantes pour moi ». N’est-ce pas là la plus belle récompense dans la démarche de l’artiste qui sème ses chansons au fil de sa propre route ?

« Pourquoi mon cœur est triste » dit le dernier titre qui te renvoie à tout ce qui t’attire vers cette belle artiste depuis la découverte de ses premières chansons. Un parcours de femme, une écriture, une sensibilité qui te touchent par la délicatesse du cheminement.

Tristesse parce que te voilà soudain au terme de l’album qui t’offre toutefois, en guise de compensation, un remix original quelque peu « techno » qui te porterait à danser. Mais non, sans doute aurais-tu préféré t’arrêter sur le titre précédent…

Henri Lafitte, Chroniques musicales
27 novembre 2005

Souad Massi, Mesk Elil, 2005

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Site de Souad Massi