Xavier Merlet, “Du point de vue de la mouette”

Que je t’invite une nouvelle fois à une découverte musicale.

Avec la chanson pour étendard, bien sûr.

De jour en jour ne portons-nous pas un regard sur la vie ? En témoignent pour ma part ces chroniques que tu glanes ou écartes à ton aise. Mais imagine un peu les mêmes événements « du point de vue de la mouette »…

C’est précisément ce qui a retenu mon attention à l’écoute du premier titre cadencé manouche d’un album venu chez moi par la vertu de la diaspora chansonnière. Xavier Merlet, tel est le nom de l’auteur, compositeur, interprète. Les thèmes sont décapants, nourris d’humour et de regard aiguisé, cinglants parfois comme dans « Bangkok » dans la rencontre le temps d’une passe entre un « monsieur Businessman » et « une paysanne » venue « baisser son froc / A la capitale ». Les structures mélodiques et rythmiques accrochent d’emblée, à l’instar de cette chanson aux accents country pour évoquer « les femmes de ma vie ». Xavier Merlet s’accompagne à la guitare, soutenu dans sa démarche scénique par piano et accordéon, avec en prime dans ce CD basse, harmonica, batterie. Une belle réalisation, très dynamique. Douze titres.

Belle évocation du vécu ordinaire dans « les autres », scènes où l’on se reconnaît aisément, parce que quelqu’un nous aura demandé un jour du feu qu’on n’avait pas, méritant ainsi le doigt d’honneur, ou encore un voisin de cinéma mâchouillant la paille de son gobelet, le mécano qui aura changé plus de pièces que prévues à l’occasion de la dernière visite au garage… « Comme disait Sartre hier / Les autres c’est l’enfer ». Chanson évocatrice encore que celle qui suit le parcours d’Elisabeth à la fac de Nantes, un thème qui touche, forcément, pour une tranche de vie qui échappe aux ascendants. Humour encore dans « Harcèlement », car le harcèlement, n’est-ce pas, n’existe pas, hein, entre hommes… Les textes, disons-le, sont fort bien troussés. Impossible de rester indifférent à ce qui arrive aux uns, aux autres, dans ce qui nous prend au dépourvu, au débotté, au quotidien, dans la grande farandole des jours qui se succèdent sans lâcher prise. Ne t’es-tu pas trouvé dans une « file d’attente » : « Dans cette vase gluante / On pète tous un fusible / Dans la file d’attente » observe l’artiste. Couplets bien torchés également que ceux de « la soupe » à la télé « L’artiste nouveau / Naît en élevage / Dans les grandes cages / des télés zoos ». Xavier Merlet s’amuse, nous amuse, mais ne fait pas de concessions, sur le fond. Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une pensée pour Gilbert Laffaille dans la scène du « safari du milliardaire / Au cœur d’une savane grillée / Où patiemment quatre lions grabataires / Attendent qu’un vieux con vienne les trouver ». Te souviens-tu du Président et l’éléphant ? Décidément, l’Homme a de ces permanences qui ne nous rassurent guère.

«Du point de vue de la mouette », du point de vue de mathurin, c’est du tout bon, je te l’assure. Pour ton point de vue, je t’encourage. Mais ne m’écris pas, je vais mettre immédiatement en pratique un extrait du douzième titre « La vie, seul, c’est génial / Mon plus grand pied c’est l’pieu / (…) Surtout ne pas ouvrir / Aux gentils qui font croire / Que je vais m’en sortir ». C’est vrai, quoi, pour peu que tu me croies malade…

Mais non, j’déconne ; ce disque m’a emballé. Y a peut-être des chances que ça te botte aussi.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
26 novembre 2005

Xavier Merlet, Du point de vue de la mouette, 2005

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