Chronique du 27 janvier 2006

Rien ne sert de gémir, il faut agir à point.

Les électeurs de Saint-Pierre et Miquelon seront bientôt appelés à se rendre aux urnes pour désigner les nouveaux responsables de la Collectivité. Cap sur l’Avenir ? Archipel Demain ? Reconnaissons la formulation positive des deux groupes nominaux. Car il s’agit bel et bien de faire le deuil du passé pour se ressourcer, se redynamiser aujourd’hui vers demain.

L’équipe sortante par sa tête de file même aura marqué la fin d’une époque dont le chef charismatique aura été Albert Pen. Son fidèle lieutenant, Marc Plantegesnest, qui aura pris la suite, n’aura pas eu la même aura, même si son action, quelle que soit la mouvance politique qui retienne notre attention, ne peut pas être taxée que de négative. Il reste que cette période s’articule sur les dernières années d’un âge d’or quand la pêche battait son plein, puis les années de crise avec le paroxysme de 1992. Puis le dur combat pour rester à flot et dessiner de nouvelles perspectives. C’est là que les sortants auront plutôt fait chou blanc, s’enferrant dans des maladresses lourdes de conséquences, dans une politique à courte vue où le choc des personnes au quotidien l’aura emporté sur la mise en œuvre d’une véritable vision. Les derniers mois auront été particulièrement desséchants. Gérard Grignon, député de l’Archipel et membre fondateur d’Archipel Demain, est le seul rescapé de cette période. Homme politique habile, il aura su récemment prendre le mors aux dents d’une grande cause, celle de nos droits sur le plateau continental, prêchant dans le désert d’une France en perte de vitesse recroquevillée sur son quant à soi hexagonal. L’équipe qui se reconstitue en se référant à lui peut-elle renouveler la philosophie de son action et permettre à la Collectivité d’ouvrir de nouvelles pages ?

Qu’adviendra-t-il demain ?

L’Archipel n’est pas inactif, même s’il est encore trop souvent en proie à des déchirements mortifères. Des énergies se déploient dans des projets à petite ou plus grande échelle. Un hôtelier, un restaurateur se battent ; c’est l’espoir pour demain ; un disque paraît, c’est que l’on a encore envie de chanter ; la volonté de survie est à l’œuvre dans le monde de la transformation des produits de la mer, dans l’aquaculture, ce sont des îles qui s’assument encore. Il reste que nous devons échapper à une technocratie trop envahissante, que nous devons retrousser les manches et ruer s’il le faut dans les brancards. Exit la pusillanimité. Que les idées s’affrontent encore pour que se décantent les meilleures énergies. Mais assumons aussi les réussites, chez le plus petit, dans l’entreprise un peu plus grande. Combattons la jalousie mortifère. La réussite alimente les caisses qui permettent la redistribution pour les services collectifs. Chassons également l’alibi de l’inaction du « Y’a qu’à faut que ». Cessons de croire que l’un ou l’autre aurait la réponse universelle et sans faille. Il n’y a que les reclus sur une illusion de paradis perdu qui croient encore au Berger déifié.

Assez de mettre en exergue comme pré-requis nécessaire que tout doit être parfait, garanti et sans risque. Les ajustements nécessitent le mouvement ; l’immobilisme n’apporte que stagnation ou régression.

Sans doute faudra-t-il se battre pour défendre sur le chemin la nécessaire permanence des valeurs fondamentales que sont l’honnêteté et la justice dans la conduite des ambitions collectives.

Mais là réside le perpétuel défi humain et l’Archipel ne peut avoir la prétention d’y échapper.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
26 janvier 2006