Chronique du 11 mars 2006

A voir sur le petit écran du Vingt heures la préfecture comme un château de lumière dans la nuit de notre odyssée insulaire, j’ai été pris soudain de vertige. Heureusement, la jolie frimousse de la journaliste en premier plan, ourlée de vapeur dans la froidure hivernale de ce 10 mars 2006, apportait à point nommé sa touche d’humanité réconfortante.

Car tout semblait converger soudain vers ce rendez-vous lumineux dans l’attente ultime du dépôt des listes pour le renouvellement du Conseil général. 2006, l’Odyssée de l’espace, et l’Archipel comme un grand vaisseau tourmenté lancé dans l’éther de l’inconnu. A bord, un peu plus de 6000 survivants, dans leurs cabines respectives, plus ou moins spacieuses ; on ne connaît pas trop le capitaine. Qui pilote vraiment ? Une consultation est lancée pour ceux qui franchiront le sas de la timonerie voilée de mystère. Mais chacun prend son rôle au sérieux ; il faut toujours quelques personnes de veille pour éviter les astéroïdes. Et régenter la vie à bord évite l’anarchie ; les tensions au sein de l’équipage ne sont-elles pas inéluctables au sein d’une enceinte aussi restreinte ? On salue le courage de ceux qui sollicitent l’assentiment de leurs compagnons de l’étrange voyage dont personne ne connaît la destination.

Je me dis alors qu’une page est tournée. Pendant quarante ans, la route aura été tracée par un timonier qui aura laissé sa marque à un lieutenant qui aura pris un jour la relève. Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, portés par le désir de se trouver dans la Chambre au pupitre, quelques adversaires résiduels des jours anciens, d’autres qui auront grandi, mûri peut-être, sans qu’on s’en rende trop compte, rejoints par des jeunes impétrants, nourris d’espoir. Quelle marge de manœuvre sera la leur dans l’inconnu qui nous échappe ?

Et le vaisseau de poursuivre sa route dans un silence propre à angoisser les insomniaques, mais à émulsionner, au même moment, le rêve des poètes.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
11 mars 2006