“Entre 2 Caisses”, au coeur d’une grande rencontre

Belle soirée de printemps à bousculer les clichés de la froidure des livres d’histoire, Centre culturel, Saint-Pierre en ce 16 mai 2006, direction salle de théâtre. Le spectacle commence, acoustique, la sono est restée dans les armoires des accessoires. Quatre chansons introductives qui permettent aux quatre artistes de se placer, soutenue d’accordéon, de guitare, de contrebasse. 4 belles voix. Puis une chanson pour ouvrir les portes de l’humour. Le public est déjà conquis, lui qui est venu pour découvrir « Entre 2 Caisses ».

Et les quatre artistes de très grand talent ne nous lâchent plus. Textes merveilleusement ciselés, enchaînements cadencés, jeux de scène, subtilité des arrangements, dosage heureux des instruments, nos oreilles sont ravies, tout s’enchaîne et nous subjugue. Textes tendres, histoires qui renouvellent le rapport mille fois recommencé dans le rapport entre hommes et femmes, de l’amour d’un jour à l’amour déçu, ambiances de bistrots d’antan, évocations de moments forts de l’histoire comme cette page d’amis soudain séparés, entrés dans la résistance, déportés, survivants qui se retrouvent, elle derrière le bar du « Petit Café-Tabac », lui qui franchit à nouveau le seuil de porte autrefois si familier, et l’amour qui vient tout réparer dans une vie qui reprend son cours, ses droits… Plusieurs auteurs auront contribué à la mise en forme de cette superbe palette de l’aventure humaine, Sarclo, Michel Bühler, Léo Ferré, Romain Bouteille, Allain Leprest… Difficile de déterminer quel texte nous aura le plus accroché. « La veuve du soldat inconnu » ? « La voix du sang » ? L’hommage « Aux laides » ?… Thèmes tour à tour sérieux ou enjoués, intensité du regard sur la bêtise humaine dans les guerres de religion, ou sur le sens de la vie. Pourquoi se suicider quand il suffit d’attendre…? Pages plus sociales « Mais faut jamais, même en rêve / Faut jamais faire la grève… » comme l’écrivait Léo. « Cracher sur ma télé » ! Ah ça oui ! Si souvent ! Jamais assez… Ne pas faire les choses à moitié : « La vie savez-vous n’est pas longue / Et à faire les choses à moitié / On la traverse à peine… » Et le rire qui l’emporte, toujours, parce que là réside l’essence de tout ce qui peut nous aider à continuer, dans les sursauts de la belle humanité…

Le spectacle s’achève, mais le public n’en démord pas, il faut qu’ils nous reviennent. Alors Dominique Bouchery, Bruno Martins, Jean-Michel Mouron et Gilles Raymond d’appeler sur scène leur compère Hal Collomb qui aura présenté avec deux d’entre eux « Le braconnier de Dieu » – superbe mise en forme d’un texte de René Fallet -, jeudi dernier, à L’Escale, et c’est reparti pour quelques chansons encore que s’il n’avait pas fallu aller se coucher pour rire et vivre encore demain, on y serait encore…

Car à ne jamais assez chanter on n’est jamais trop heureux… Tiens voilà que je me mets dans les « proverbes », moi aussi, sans doute une influence d’un spectacle qui nous aura laissés sous si belle dépendance qu’on souhaiterait tout réentendre…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 mai 2006