Chronique du 2 octobre 2006

L’effondrement d’un viaduc à Laval, près de Montréal, au Québec, amène son lot de conjectures quant à ce qui a pu se passer. Normal ! La tragédie s’amplifie d’autant qu’elle a un impact sur les milliers de non touchés directement mais qui en subiront les effets : les 55 000 automobilistes qui empruntaient une voie désormais fermée, les milliers d’autres qui de toute manière empruntent un réseau hautement suspect.

Qu’on se rassure : L’Etat veille ! N’était-ce pas le message du premier ministre du Québec ? Il n’en reste pas moins que l’Etat veille après coup, car le drame s’est produit. « Inexplicable » de commenter encore le politique. Sauf que ça l’est…

Faut-il rappeler que le viaduc est une réalisation humaine dans la foulée du projet qui se sera concrétisé de l’exposition de Montréal ? Grands travaux nécessaires pour réguler des flots d’automobiles qui auront, sur la durée, été sous-évalués. Car le réseau aura accentué la tendance à se déplacer encore plus, de plus en plus loin pour une société qui échappe dans son développement à tout contrôle : plus de véhicules particuliers, plus de camions, et des contraintes de plus en plus fortes sur des structures construites selon les techniques et par rapport aux besoins d’une époque rapidement dépassée par l’accélération ainsi engendrée. Les morts du viaduc deviennent ainsi des victimes inéluctables ; la structure bétonnée vieillissait, des morceaux de béton tombaient, mais aucune décision n’aura été prise. Fermer, par anticipation, un axe clef d’une société qui ne fonctionne que par la bagnole, inconcevable. C’est ce qui sera fait, en aval des décisions impossibles.

L’homme se place alors sous le coup du Destin auquel il s’empressera de mettre une majuscule, victime d’une organisation sociale dont il n’a plus les rênes, chacun, politiques y compris, s’attachant à ses illusions.

Et le viaduc de Laval de devenir peut-être le symbole de l’incontrôlé – de l’incontrôlable -, à moins qu’il engendre une réflexion permettant de se dire que parfois plusieurs directions peuvent être prises. Dans le choix il reste à s’efforcer d’imaginer ce qui sera le mieux – ou le moins mauvais – pour le sort des portions d’humanité sur ses lieux de cheminement.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
2 octobre 2006