Chronique du 24 octobre 2006 (2)

Deuxième débat entre les trois prétendants socialistes à l’Elysée en ce 24 octobre 2006 : le rythme aura été plus soutenu que la fois précédente. Sans doute ressentions-nous la montée de l’enjeu et le mûrissement des démarches respectives. Se démarquer de l’autre sans rompre la « camaraderie », l’exercice n’était certes pas facile, mais les trois protagonistes auront réussi à dynamiser leur confrontation en préservant clarté du propos et coltinage constructif.

Sans doute que pendant les deux premiers tiers du débat, Ségolène Royal aura-t-elle – selon moi – réussi à faire converger vers elle l’intérêt ; avec sa proposition de « jurys citoyens », elle aura obligé ses deux protagonistes à se situer par rapport à elle. Son positionnement sur le plateau avait à ce stade une vigueur symbolique. Les contre-propositions n’enlevaient rien à la force du propos originel, illustré par la nécessité du regard populaire sur « l’indice des prix » dont on dit qu’il n’augmente pas alors que c’est faux ! d’assener la candidate. Le ton était donné : « Sans valeurs, on ne tient pas sa parole », belle phrase au demeurant qui invite à réfléchir au bilan désastreux en ce domaine d’une cinquième république monarchique à bout de souffle. Sans doute qu’à ce stade Laurent Fabius aura-t-il été provisoirement agaçant dans la peau du sermonneur désireux de se cramponner derrière un projet de parti qui n’est pas pour autant un « petit livre rouge » que l’on suit sans originalité dans la démarche, observation faite dans la foulée par Ségolène Royal. Dominique Strauss Kahn était-il crédible dans sa notion de « patrimoine de départ » pour les jeunes ? Le concept sera resté trop flou dans sa concrétisation possible, malgré la générosité affichée.

Abordant les problèmes de la famille et de l’immigration, Ségolène Royal aura sans doute encore conforté sa présence sur le plateau, dans la volonté de retour aux fondamentaux, y compris « les interdits structurants », pour la famille et la « redéfinition des politiques de co-développement » pour faire face aux problèmes de l’immigration, question qui ne peut être réglée dans l’égoïsme d’une nation nombrilisée. Laurent Fabius aura eu beau s’exclamer « La France, c’est la France, bon Dieu ! », à ce stade ses observations étaient moins percutantes. Même constat pour Dominique Strauss-Kahn qui aura sur le sujet réduit l’approche à la lutte contre les passeurs et les employeurs clandestins. La vision globale socialiste était plus ample chez la première.

Le dernier tiers du débat s’équilibrait en ce qui concerne les grands thèmes de société qui perturbent gravement le pays, délinquance de masse, violence et perte totale des repères. Chacun retrouvait les possibilités de convergence dans le constat tout en divergeant sur les solutions et donnait une image assurée, voire rassurante sur sa capacité à gouverner. Pour tous les trois, le rôle du président de la république à venir ne peut être que central, amenant le tenant du titre à monter en première ligne. Laurent Fabius était-il le plus clair au moment de conclure dans sa notion de « république parlementaire nouvelle » ? Sans doute était-il, comme Dominique Strauss Kahn plus proche des repères traditionnels que Ségolène qui sera apparue encore une fois comme novatrice dans la démarche.

Un vrai débat d’idées aura donc eu lieu et c’était pour le moins vivifiant.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
24 octobre 2006