Chronique du 10 novembre 2006

D’abord j’aime l’homme. Lui s’appelle Roger Etcheberry ; il est de Miquelon ; il aura consacré sa vie au service de tous à une meilleure connaissance, toujours en mouvement, de notre milieu naturel, fragile dans sa beauté et sa diversité, fragilisé, constamment menacé, voué à une disparition possible à l’échelle de quelques vies humaines, c’est à dire bien peu.

Roger Etcheberry est voué aux gémonies parce qu’il a osé employé dans le journal de la grande île, L’Horizon, un terme : « Braconnez ! » pour faire face au déséquilibre jamais entendu malgré les cris d’alarme, du nombre excessif de chevreuils sur le cap de Miquelon.

Il aura osé conseiller l’interdit. Et toutes les bonnes consciences de s’indigner au nom de la Loi, dans un grand défilé de vertueux. Pour le coup, forcé d’applaudir, dirait-on.

Mais ne serait-il pas judicieux de réfléchir au sens d’une telle provocation volontaire car l’homme est intelligent et lui aussi est respectueux de la Loi. Ne sommes-nous pas dans une effervescence sociale microcosmique où le mot ordinaire, la formulation sage et sensée ne sont pas suffisamment écoutés ? Il faut donc des termes chocs pour provoquer la réaction, bousculer la torpeur, avec une probabilité d’évolution dans la prise en compte des contraires. Après tout, pourrait-on observer, quand on aura tout aboli de la biodiversité de notre espace restreint, nous ne serons plus que des souvenirs effacés. Entre l’aujourd’hui et la fin de notre Histoire insulaire possible tout semble s’orienter vers le dépérissement.

A moins que par un sursaut d’analyse, les contradictions apparentes puissent être surmontées pour un échange apaisé dans lequel les formules chocs ne seront plus nécessaires…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
9 novembre 2006