Chronique du 10 décembre 2006

Un rapport remis au Secrétariat général de la mer le 5 décembre 2006 le dit sans ambages ; si la France est « une nation maritime », elle n’a jamais eu de véritable politique de la mer, elle « n’a eu d’ambition maritime que pour autant que ses rois en avaient ; contrairement aux monarchies ibériques, les monarchies françaises n’ont pas eu de constance en ce domaine ». Et que dire depuis l’avènement de la république et des ersatz du pouvoir dans les méandres technocratiques ? « La France a souvent tourné le dos à la mer », précisent encore les auteurs du groupe de recherche « Poséidon », ainsi nommé afin de redéfinir « une ambition maritime » pour notre pays.

« Les Français sont pourtant attachés à la mer : tourisme littoral, villégiature, plaisance,
grandes compétitions nautiques, rassemblements de navires anciens suscitent un réel
engouement ; ceci ne suffit toutefois pas à mobiliser leur intérêt profond sur ses enjeux
économiques et sur la fragilité du patrimoine naturel ». Là est le problème. Nous sommes, y compris dans les hautes sphères, trop enfermés dans une vision hexagonale et c’est ce qui nous perd.

Pourtant, lit-on encore : « La France dispose d’atouts et de références maritimes incontestables ». « Grâce à l’Outre-mer, avec onze millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime mondial, après celui des États-Unis. » Mais le chemin vers la prise de conscience est plus long à parcourir que le tour du monde à contre-courant du capitaine courageux Maud Fontenoy.

Parmi les enjeux évoqués, les rapporteurs insistent sur l’importance du « le programme français EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du PLAteau Continental) a pour objectif l’élaboration des dossiers de demande que la France présentera à l’ONU pour l’extension des zones de son plateau continental ». Espérons que nos gouvernants arboreront le courage de la raison dans notre environnement géographique. N’avons-nous pas été trop souvent les témoins de la pusillanimité ou pire, du manque de « gniak » des missionnaires et des diplomates chargés des tractations avec nos voisins, trop souvent affichés en « amis », pas suffisamment perçus en redoutables « businessmen patriotiques », ce qui, d’ailleurs, est tout à l’honneur de ces derniers ?

L’Outre-Mer, dans sa diversité, est bel et bien l’espace qui donne toute sa dimension maritime à un pays soucieux de sa notoriété internationale. Espérons que l’aventure du Poséidon ne soit pas une version revisitée du film de John Putch. Certes, il y aura eu quelques survivants, ce qui ne rassure pas pour le plus grand nombre livré aux éléments. Mais il est vrai que dans ce genre de production, la masse des anonymes compte toujours pour du beurre…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
10 décembre 2006