L’actualité peut apporter son lot d’agrément lexical, loin des parlotes creuses d’une campagne présidentielle parée de sa médiocrité ostentatoire. Les medias, en la matière, porte une lourde responsabilité dans leur propension à s’attacher aux futilités d’un duel de grands potaches qu’ils s’amusent à créer de toutes pièces, les ténors des deux camps rebondissant sur les tréteaux de cette vaste comédie, laissant dans l’ombre l’effervescence des idées qui pourraient être source d’un renouveau dont le pays a grandement besoin. La France s’essouffle dans ses prétentions nombrilistes. Pendant ce temps, ailleurs, l’Europe retrouve d’autres respirations.
Passons, faute de pouvoir se surpasser.
La Martinique – 24 janvier 2007 – Un patron de pêche prend au bout de sa ligne un requin de 200 kilos. Et alors, me diras-tu, ô lecteur nourri de rêveries subarctiques ? C’est que, pour aller vers cette prise inattendue, le journal qui le relate nous précise : « Avec son équipage de deux hommes, le patron a quitté le port de pêche vers 4 heures mardi, direction Miquelon. »
Ah bon ? Serait-il venu jusque chez nous ? Ce serait se gourer dans le brouillard de la méconnaissance du Verbe qui, tu l’avoueras, peut se faire chair. Et je ne te cause pas, tu l’auras compris, du grand requin céleste.
Savourons donc cette expression toujours d’actualité puisqu’elle est tout simplement utilisée pour désigner le fait que le pêcheur est allé avec sa yole loin de son point d’attache pour ne pas rentrer bredouille. N’est-ce pas d’ailleurs le lot ordinaire de tous les pêcheurs d’aujourd’hui confrontés à la dure réalité d’une ressource qui s’étiole ? Sauf qu’en ce qui nous concerne il faut aller dans le Golfe ou à Pétaouchnock. Goûtons donc la beauté de cette expression qui fait chaud au cœur en pensant à son émergence dans la mémoire des relations entre nos insularités. N’étions-nous pas frères de la côte, porteurs d’une identité qui échappait déjà à l’Hexagonie ?
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
27 janvier 2007