Renaud, “Rouge Sang”

Je me suis découvert un peu « bobo » en écoutant du… Renaud en ce début d’année 2007. Sauf que merde au vélo – à cause du vent qui ouine -, j’opte plutôt depuis quelque temps pour la marche en laissant s’étirer au maximum ma tire au repos sur le parking du CO2. Baba, aussi, du coup, car son dernier album, à Renaud, est un bijou. Je me suis accordé l’édition « limitée » – 2CD pour 24 chansons -, superbe livret enrobé d’une couverture cartonnée qui t’encourage à la lecture, au feuilletage et à l’écoute. Plaisir un peu bourge, assurément, mais dont on serait bien con de ne pas profiter, en se laissant porter par cette voix chaude reconnaissable qui s’attarde sur les dernières syllabes des vers. Belle chanson que la deuxième de l’album pour rappeler le sort d’Ingrid Bétancourt, toujours otage de fanatiques. : « Peut-être, comme moi / Les croyais-tu, naguère / Fils de Che Guevara / Et porteurs de lumière / Mais leur lutte finale / Leur matin du grand soir / C’est la haine et le mal / Et surtout les Dollars ».

L’année 2007 ne s’ouvre- t-elle pas en France sous le signe du « Non à la clope ! » ? Pour encourager les velléitaires, quoi de mieux qu’ « Arrêter la clope » ? : « Quand j’vois des mômes de douze treize ans / Qui fument déjà comme des pompiers / J’les imagine dans vingt-cinq ans / A galérer pour arrêter ». Et j’en reluque ma part, sur nos îles, tout en me disant – mais c’est la seule différence – que dans vingt-cinq ans, je ne serai peut-être pas là pour faire le bilan des cancers du poumon. Bel album dont le pivot est l’amour gravé dans l’écorce pour qui s’est reconstruit grâce à la rencontre de l’âme sœur. De quoi refuser la mort, le sang de la souffrance, du taureau dans l’arène ou des victimes de toutes les oppressions. Non à ce « Rouge sang » qui donne son titre à l’album. On va avec l’artiste de ses retours intimes jamais nombrilistes au regard sur l’humanité, à la politique qui lui donne envie de gerber quand elle prend les formes d’une « facho » : « J’lui souhaite qu’un jour si elle a un môme / Il s’retrouve à dix-huit balais / Plein d’éducation et d’diplômes / D’idées rebelles, d’humanité / Et qu’il lui dise tes vieux discours / Manquent singulièrement d’amour ».

Superbe chanson que celle sur « les cinq sens » pour une méditation sur le sens à donner à la vie, une qui m’aura particulièrement accroché, par ses sonorités, ses images, le goût des choses, l’odeur de l’amour et les caresses de la vie. Ne passe-t-on pas trop souvent à côté de l’essentiel, si pressés que nous sommes ?

Pas question toutefois de sombrer dans le sentimentalisme facile. Le poète n’oublie pas son flingue en forme de guitare : « Ma plume est une arme de poing / Mes mots parfois sont des grenades / Dans ce monde cruel et crétin / Ma guitare est en embuscade ». « Créer », comme l’a écrit Georges Chelon, avec les mots et la musique, pour résister à toutes les horreurs. Le rythme de la chanson t’emballe dans ce besoin de résistance. Tiens, dans la foulée, j’ai eu envie de saisir ma guitare, elle aussi à portée de main, de quoi te donner l’envie de remonter sur les planches, je te jure. Car le combat est aussi nécessaire sur nos îles qui n’échappent pas aux turpitudes.

Mais il me restait trois chansons sur le premier CD, une sur « Nos vieux » pour un peu de tendresse, un coup de pied dans la fourmilière de la télé-réalité avec « Ces filles de joie » qui ne sont pas « toujours où l’on croit » avant de terminer ma première balade sur une autre petite perle ciselée sur le nom même de celle qui l’aura aidé à rejaillir. Superbe !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
8 janvier 2007

Renaud, « Rouge Sang », Virgin, 2006

jpg_Rouge_Sang.jpg