Chronique du 19 mai 2007

« La vérité, c’est que les socialistes n’aiment l’ouverture que quand elle est autour d’eux » aura donc rétorqué François Fillon au camp adverse.

Mais la réponse de François Fillon grime une réalité plus bassement manoeuvrière. Alors que François Bayrou avait construit sa campagne sur l’ouverture, dans une démarche ouvertement dénoncée par le candidat de l’UMP, que Ségolène Royal avait amorcé des rapprochements avec le centre-droit, malgré les réticences de son propre camp, la campagne de Nicolas Sarkozy était foncièrement de droite, ratissant du côté de l’extrême-droite. Là réside une différence. Fin stratège, reconnaissons-le, habile dans les campagnes politiques – n’est-ce pas reparti pour deux tours ? – il était facile pour Nicolas Sarkozy de pratiquer l’ouverture en s’appuyant notamment sur le transfuge Eric Besson. Un appui sur la traîtrise, en quelque sorte. Il ne restait plus qu’à cueillir un ego prêt à bondir en la personne de Bernard Kouchner. Côté centriste, la rapidité du ralliement d’une vingtaine de députés anxieux de retrouver leur siège n’aura conduit qu’à un prix de consolation avec le recrutement d’un seul ministre en la personne du chef de file Hervé Morin. Il ne reste plus à ce dernier qu’à s’empêtrer dans les méandres d’un univers qu’il ne connaît pas.

Qu’en sera-t-il de ce gouvernement de personnalités débauchées dans les camps adverses ? François Fillon aura été précis, à l’occasion du lancement de la campagne des législatives : « Ce sera un gouvernement ouvert, mais ce sera un gouvernement qui mettra en oeuvre scrupuleusement le projet politique de Nicolas Sarkozy ». Pourrait-on douter qu’il puisse en être autrement dans un contexte de forte présidentialisation du régime ? La notion d’ « efficacité » obligatoire mise en exergue permettra les réajustements le moment venu.

En attendant, tout commence par l’esbroufe dans une agitation fortement médiatisée. Rachida Dati en prison pour sa première nuit, histoire de vérifier les conditions de détention des mineurs ? Bien. Mais attendons ce qu’il adviendra des mesures pour éviter qu’ils ne sombrent plus bas et qu’ils puissent se réinsérer dans une société qui leur donne leur chance. Michèle Allio-Marie sera elle aussi allée sur le terrain. La belle affaire. N’est-ce pas le minimum ? Pendant ce temps, le tapage autour de l’action à mener pour libérer Ingrid Betancourt ne risque-t-il pas d’être négatif ? Faut-il confondre agitation et efficacité ?

Bernard Kouchner demande à être jugé sur ses actes, nous dit-on. Certes. Mais il n’a pas besoin de le demander. Il le sera, comme l’ensemble des membres de l’équipe de Nicolas Sarkozy. Ne leur manque-t-il pas que les pleins pouvoirs à l’Assemblée nationale ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
19 mai 2007