Chronique du 7 mai 2007

J’ai rencontré une oie. Je m’appelle Alaï Goose, m’a-t-elle dit. Du moins je l’imagine. Pas mal comme nom pour une oie, lui ai-je dit, au bord de sa mare. Y’en a marre de ce froid de canard, a-t-elle ajouté, drapée de sa blanche féminité.

Le lendemain, je suis retourné. Il faisait plus chaud. Pour quel canard travailles-tu à venir ainsi observer les oies ? m’a-t-elle demandé. Une question bête comme une oie, me suis-je dit, à la manière d’une journaliste de France 2 demandant à une oie blanche un soir d’élection présidentielle si elle va devenir ministre. Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages, aurait-elle pu observer, mais l’invitée aura su garder toute sa dignité. Tu ne seras pas surpris de ce cheminement, ô lecteur. Si tu te dis un seul instant qu’il manque sans doute ici une case, dis-toi que c’est un jeu et que tu viens de tomber au bas de l’échelle, histoire de reprendre depuis le début.

Le résultat du deuxième tour semblait glisser sur Ségolène comme sur les plumes d’un canard, ai-je confié à mon oie favorite. D’aucuns eussent aimé qu’elle fît la cane, ajouta-t-elle dans un parfait subjonctif imparfait, preuve que les oies peuvent résoudre des contradictions que nous les humains sommes incapables d’appréhender. C’est que la France en aura soupé de tous ceux qui caquètent, me glissa-t-elle alors subrepticement. Comment ne pas être déconfit ? Pas bête, cette oie, me suis-je avoué, tenté de lui faire un petit canard, histoire de la remercier.

Allez, tout le monde au travail ! s’écriera-t-on demain. Et s’il le faut, dénichons les canards sans plumes.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
6 mai 2007

N.B. Canard sans plumes, fouet pour les forçats