Chronique du 10 juin 2007

Nous aurons été quelques milliers dans le brouillard de la foi en l’autre, accomplissant ce geste démocratique de confiance en un pouvoir délégué, celui de légiférer au nom de la multitude de gestes singuliers. Saint-Pierre et Miquelon aura ouvert le bal des législatives. Cinq candidats étaient en lice, noms pour la plupart à l’échelle d’une vie humaine : Gérard Grignon, Marc Plantegenest, Bernard Le Soavec, encore, et Karine Claireaux et Annick Girardin pour les plus jeunes. Pour l’observateur éloigné, une impression que rien ne change ; et pourtant localement, tout au long des jours qui auront précédé le premier tour, le sentiment que ce rendez-vous était autre, au cœur d’une crise économique désormais ressentie. Deux candidats auront d’ailleurs renoué avec les « meetings » d’antan, Annick Girardin, la benjamine, et Gérard Grignon, l’ « ancêtre » (déjà ? Ne vieillissons-nous pas ensemble ?) impétrant, l’une avec la forte envie de faire bouger les choses, l’autre concerné par le vent du renouveau (sans lui) possible.

La population aura tranché au soir du premier tour : ce sera, pour le deuxième round, Gérard Grignon et Annick Girardin, l’ancien et le renouveau incarné par une jeune femme porteuse d’une expérience patiente forgée dans l’opposition.

« Es-tu sûr qu’à Saint-Pierre et Miquelon les gens veuillent vraiment que ça change ? » me demandait récemment un ami. Alors que les pas m’enfonçaient dans la bruine sur la route piétonne des fins de semaine, en contrebas du cimetière, les amoncellements de terre, de roches, les tubes en ciment posés pêle-mêle, m’incitaient une nouvelle fois au pessimisme en ce samedi de grisaille. Pendant ce temps, quelques canards gambadaient, insouciants à l’aveuglement des hommes.

L’archipel ne doit-il pas enfin sortir de sa gangue ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
9 juin 2007