Chronique du 11 juin 2007 (3)

Désireux de ne troubler personne tout en donnant à penser, j’aborderai un sujet vide puisque je parlerai de « rien » (à distinguer de « je ne parlerai de rien).

C’est rien bien, pourras-tu observer, avec un accent qui sent bon le temps où l’on se faisait taper sur les doigts dès qu’on sortait des clous de la langue formatée par la norme hexagonale. C’est pas rien, en effet, ajouterai-je à mon tour. À parler de rien on peut tout se dire. A la question : « Quoi de neuf ? » ne répondons-nous pas souvent : « Rien de spécial », avec la satisfaction d’avoir tout dit sans trop en dire ? A ne rien dire, on ne regrette rien, n’est-ce pas ? Ce qui est déjà quelque chose car aujourd’hui l’on n’a rien pour rien. À te le proposer, ne me répondras-tu pas en un rien de temps : de rien ?

Quoi qu’il en soit, ne s’agissait-il rien de moins que de te le soumettre ? « Je ne suis pas de ceux qui disent : « Ce n’est rien, C’est une femme qui se noie », comme disait La Fontaine. Tu vois donc que mon propos n’a rien de politique au cas où tu aurais un tantinet redouté que je me démarquasse. C’est comme un député en exercice : « De loin c’est quelque chose ; et de près, ce n’est rien », ajoutait le même La Fontaine, en parlant d’un chameau.

Donc, tout ça ce n’est rien, « et rien, comme tu le sais bien, Veut dire rien, ou peu de chose ». (La Fontaine, tooujours)

En ne t’ayant rien dit, je conclurai avec Rivarol « C’est sans doute un terrible avantage que de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser ». Certes, désireux d’ouvrir les horizons, je pourrais voir plus loin, mais comme l’aura écrit Valérie Larbaud : « Où que j’aille, dans l’univers entier, Je rencontre toujours, / Hors de moi comme en moi, / L’irremplaçable Vide, / L’inconquérable Rien. » Tu vois bien que Rien est politique.

Un point c’est tout.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
11 juin 2007