Oui, tu l’auras remarqué, j’ai été moins prolixe ces jours derniers. Ne t’avais-je pas laissé cependant sur une part de rêve ? J’apprécie le silence. Curieux pour un musicien, me diras-tu. Mais n’est-ce pas grâce aux silences que l’on goûte mieux la mélodie de la vie ?
Cela ne m’aura pas empêché d’observer, de méditer.
Aussi t’invité-je à un retour sur la semaine qui précède, retenant deux faits qui, par essence, à mon sens, prennent… sens.
Commençons par la bouée en rade sur les rivages de Sayoyard. Mer agitée, décrochage, dérive et grand chambardement. Que faire ? Où est le Paul Veillon, notre bateau des phares et balises ? À quai. N’a-t-il pas trop navigué ce gai dragueur de nos vingt ans ? Il aura donc fallu un arrêté préfectoral pour autoriser l’ancêtre à reprendre du service. « La nouvelle bouée, son corps mort et sa chaîne d’ancrage seront immergés par les agents de la cellule phares et balises qui pourront à cette occasion utiliser le baliseur « Paul Veillon », autorisé exceptionnellement à naviguer sur une mer calme et près des côtes », était-il précisé dans l’arrêté pour le mouvement. Ne vois-tu pas là, ô lecteur, comme un symbole d’un archipel en manque de balises ?
Février 2008 aura vu aussi la parution des résultats du recensement de la population à Saint-Pierre et Miquelon en 2006. J’y ai relevé : la baisse de la population – moins deux cents ouailles -, ainsi que les données suivantes : « La proportion des jeunes de 20 à 30 ans est ainsi passée de 12,6 % en 1999 à 9,6 % en 2006. » Sans oublier : « Le taux de chômage, au sens du recensement, de la tranche des 20 à 24 ans atteint ainsi 27,8 % en 2006. » Ajoutons : « Le départ de ces jeunes adultes, en âge de devenir parents, a également pour conséquence un déficit de jeunes enfants (0-9 ans). » Et pour finir : « L’installation des jeunes ou de nouveaux arrivants est rendue plus difficile et la population vieillit. »
Difficile de conclure, en conséquence que nous sommes au devant de notre bouée.
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
18 février 2008