Chronique du 3 février 2008

Ainsi donc la fréquentation des bars serait en baisse, conséquence de l’interdiction de fumer imposée par la loi dans les lieux publics depuis janvier 2008. Constat sans appel faussé par l’apparence d’un bilan privé de sens – un mois après la mise en œuvre de la mesure – colporté par les medias télévisés nationaux, sur France 2 par exemple, mais aussi par le journal de RFO Saint-Pierre et Miquelon du 2 février 2008. Exit toute réflexion sur les cancers des poumons et autres dégâts humains provoqués par un produit nocif !

Plus de cibiche, plus de plaisir !

Mais cette baisse de fréquentation constatée – certes liée pour une part à ce bouleversement comportemental imposé -, n’est-elle pas qu’un prolongement inéluctable d’une tendance enclenchée dont quelques éléments d’explication pourraient être la perte sensible du pouvoir d’achat, l’effondrement de l’activité économique, mais surtout l’atomisation dans la recherche des plaisirs : jeux vidéo, cinéma à domicile, éclatement du collectif dans l’éparpillement des individualismes. Le bar, lieu symbole du collectif, perd ainsi de son attractivité.

N’est-il pas urgent de refuser le passage à tabac de la pensée et de réfléchir au sens du rapport en société qui ne dépend pas de lois inexorables venues d’un « en haut » porteur de toutes les culpabilités ? Que l’on puisse avoir une chance de vivre ensemble plus longtemps, sans avoir à cracher ses lobes, n’est-il pas source de nouveaux enthousiasmes à impulser ? N’est-il pas curieux d’observer que la notion de « liberté » se réduise à cette part d’autodestruction au bout des lèvres pincées sur un cylindre à poison ?

Ne s’agit-il pas de faire face au défi de la réécriture des règles du vivre en communauté, dans la recherche de tout ce qui peut contribuer à l’évitement du repli sur soi ? En luttant contre les écrans de fumée, bien entendu.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
2 février 2008