Pierre Moscovici, Le Liquidateur

Intéressant, pour faire le pendant de la charge de Thierry Desjardins à l’écriture droitière, contre Nicolas Sarkozy, dans « Galipetttes et cabrioles à l’Élysée », de lire le dernier ouvrage de Pierre Moscovici, homme politique de gauche, qu’il aura intitulé « Le liquidateur ». Le portrait doigts pointés en avant qui envahit la première de couverture, ne laisse planer aucune ambiguïté ; « le liquidateur », c’est Nicolas Sarkozy.

Les observations entre les deux ouvrages se recoupent : personnalité du candidat ambitieux devenu président ; fonctionnement de sa garde rapprochée, méthode utilisée pour capter l’attention de l’électorat, pour siphonner les contraires, UMP laissé sans président depuis l’élection de l’irremplaçable, parlement voué à n’être qu’une chambre d’enregistrement, débauchage de personnalités de gauche…

Mais le ton est à l’analyse mesurée, pas à la charge d’un pamphlet, ce qui n’exclut pas des appréciations plus personnelles, bienvenues du reste : « J’en ai assez (…) de ces valses à trois temps, où on s’épanche d’abord, en laissant libre cours à ses états d’âme ou de conscience, pour ensuite se désavouer sans dignité et enfin rentrer dans le rang sans grandeur, oubliant âme et conscience, gardant voiture, chauffeur et portefeuille. » (p. 96) Plusieurs ministres s’y reconnaîtront.

À l’heure où Nicolas Sarkozy se trouve en Tunisie, n’est-il pas utile de s’arrêter sur les pages consacrées à la politique étrangère de Nicolas Sarkozy qui tonnait contre la « realpolitik », dans sa volonté de rupture avec Jacques Chirac, dans un chapitre intitulé « Le petit maître du monde » ? « Le chef de l’Etat a salué la progression des libertés en Tunisie et s’est dit “pleinement confiant” » mentionne le Nouvel Obs, le 29 avril 2008, alors que les atteintes aux droits de l’homme, à la liberté d’expression, sont flagrants. Facile de se contenter de se dire que ça progresse. Ça ne mange pas de pain et c’est tellement… chiraquien ! Voilà notre président qui se refuse d’être un « donneur de leçons » ! « Personne ne peut se poser en censeur », a-t-il déclaré. On s’ébaubit. Qu’en pense Bernard Kouchner ? Bof ! Il y aura eu rupture sur la rupture. Les principes planent nets.

Et l’éthique, bordel ! Les tics ! Pas de problème. Quand à l’étique, où qu’il soit, il n’a qu’à aller se faire cuire un œuf.

J’en reviens au livre, plus mesuré qu’une chronique ; plus politique, car il s’inscrit dans la recherche de l’après. Pierre Moscovici n’est pas celui qui tombe dans la critique facile. Son analyse s’achève même sur le travail que le parti socialiste doit mener pour retrouver ses majuscules. (ça, c’est la chronique) « Nous ne l’avons pas emporté faute d’avoir embrassé la réalité d’aujourd’hui avec nos valeurs ». (p. 280) Cela a le mérite d’être clair. « La gauche n’a plus le droit de décevoir. C’est pourquoi elle doit en finir avec ses routines et ses faux-semblants pour à nouveau, dans le respect de ses valeurs – égalité, justice, émancipation, promotion sociale, interrnationalisme – et à partir de la réalité de ce XXIe siècle commençant, incarner l’avenir. » (dernière page)

Nicolas Sarkozy n’est pas arrivé au pouvoir par hasard. Rien ne sert de gémir ; il faut penser à point.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
29 avril 2008