Yoanna, Moi bordel !

Moi, je ne connaissais de la Suisse que les… Petits-Suisses pas suisses, le refuge à fortunes, les soldats du pape et le couteau à démerde… C’est te dire si c’était limité. Ah ! J’oubliais Michel Bühler, qui lui au moins a le mérite de bousculer le doux confort des idées stagnantes. Suisse, pourtant. Pas mal, la Suisse, finalement. Ce pays me berne, me dis-je. Enfin, celui des idées stagnantes, précisé-je.

Alors, découvrir une jeune artiste (auteur, compositeur, interprète) suisse qui décoiffe, voilà qui continue l’oeuvre déstabilisatrice de Michel Bühler. Yoanna, qu’elle s’appelle, et son premier CD campe la démarche dès le titre : « Moi bordel ! »

Pour aimer, il faut que tu apprécies le rock, le rap, l’accordéon, le pinard, les textes qui décapent le fard de l’existence. Et c’est alors gagné pour douze titres. Sans doute, me suis-je dit, que sur le plan technique, la voix, en ouverture, aurait pu être un peu plus présente, au niveau du mixage, mais cela s’arrange dès le deuxième morceau. Bref, un bon album pour un regard de femme sans concession sur la vie version début XXIè. « J’aime mettre un peu de malheur sur les contours de mon cœur », chante la femme d’aujourd’hui.

Texte concis et bien musclé que celui de « Collégienne » se projetant adulte et qui n’a pas les références des parcours normalisés. Préférence affichée pour les pirates qui échappent à la politesse des rois. Thème de l’enfant « Fleur » en gestation qui me fait penser à… Agnès Bihl. Il y a comme une continuité transfrontalière dans cette résurgence actuelle des chansons réalistes.

Concours de circonstances ? Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends, de Denis Bouvier, le porte flambeau du Festival des Déferlantes atlantiques, qu’elle sera à Saint-Pierre et Miquelon cet été ; elle participera notamment au spectacle d’ouverture le 17 juillet 2008 dans la salle de spectacles du Centre culturel de Saint-Pierre.

Du coup je replonge avec délectation dans « Roi pirate », la chanson qui précédait ma pause. Je suis à mi-CD de ma découverte. « C’est depuis la vigie que l’on voit le mieux les despotes ». Ça bouscule et ça me plaît. Vive la jeunesse qui ragaillardit l’imaginaire. Alors forcément, je réécoute « Fleur », pour apprécier cette invite à ouvrir les yeux. Ça virevolte que ce soit dans La « crise du logement » ou la crise des cœurs. Mots qui cognent, fougue, uppercut du Verbe, dans des arrangements bien ficelés ! Les rythmes nous emportent dans le maelström.

Et je me dis que la Suisse… eh bien, qu’il faut se méfier des images convenues… Yoanna, elle m’a bien plu.

Henri Lafitte, Chroniques musicales

Yoanna, Moi bordel ! Musicast 2008

Programmée à Saint-Pierre et Miquelon dans le cadre des Déferlantes atlantiques 2008

Site de Yoannal