Chronique du 28 septembre 2008

Constatons tout d’abord que ceux qui tapaient le plus sur l’Etat sont ceux-là même qui au pouvoir ne voudraient surtout pas perdre leurs fauteuils ministériels. Casser le service public certes, mais pas le leur. Pas question de toucher au Sénat non plus. Un appartement à vie pour un ancien président d’assemblée de notables fait partie des broutilles que la république peut se permettre. Pour le reste, place à la grande loi des marchés libérés.

Patatras ! C’était oublier que l’Histoire peut se prendre les guêtres dans des embushes, donnant lieu, forcément, à de nouvelles distorsions du langage. Voilà le grand apôtre du libéralisme appeler son Etat sur les ruines d’un système dont l’implosion fait d’ores et déjà autant de bruit que l’attentat du 11 septembre 2001. À ceci près que l’indignation était de mise pour celui-ci et que les grandes âmes ne seront pas en bandoulière pour les petits porteurs de rêves brisés, victimes évidées de la spéculation effrénée.

Que Nicolas Sarkozy en vienne à s’indigner de ce capitalisme-là nous dilate les badigoinces, comme s’il y avait une déconnection possible entre la spéculation folle et les spéculateurs adoubés hier par les chantres du libéralisme forcené, comme si tout se résumait à un problème d’immoralité de la part de quelques dévoyés dévoyeurs. Belles phrases et crédulité sont appelées à la rescousse. Comment ne pas se rappeler les certitudes assenées il n’y a pas encore si longtemps par une droite revigorée, sûre d’elle-même et méprisante ?

Alors du coup je me suis replongé dans les « chansons têtues » de Michel Bühler. « Un autre monde est possible », chante l’artiste dans « Ceux qui disent non ». Certes, ne nous voilons ni les mirettes ni les esgourdes, le plus dur reste à venir, pour ne pas nous laisser à nouveau embobiner. L’entourloupe est toujours adroite.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 septembre 2008