Chronique du 20 octobre 2008

Manifestation des enseignants, reculade devant la foule après un cocktail dans une salle vide des trois-quarts des invités, champagne en déshérence, fuite en loucedé par une porte cochère au sortir d’un plateau télévisé, suffisance sur ce dernier, protestation forte des fonctionnaires de la Direction de l’Equipement, refus de dialogue avec des porteurs pacifiques de motion, certitude de détention de la Vérité, mais vérités nettement plus vérifiables des errements de l’État dans le domaine de la pêche industrielle, que l’on annonce pouvoir corriger soudain, visites bouleversées, yeux au ciel, esgourdes fermées, mouvements d’humeur publics indélicats à l’encontre des autorités qui l’encadraient, perte de self-control, départ boycotté par la député de l’Archipel, sénateur que le secrétaire d’Etat aura envoyé chercher au finish par voiture de gendarmes pour faire bonne figure à l’aéroport, auront marqué la visite d’un Yves Jégo dédaigneux.

Sans doute était-il nécessaire de percer quelques vrais abcès. Mais les flèches lancées au cours d’un déjeuner avec des chefs d’entreprises dédouanaient-elles si facilement le porteur de carquois, dans l’héritage à géométrie variable des certitudes d’hier ? En mettant tout le monde dans le même sac, n’offrant pour seule perspective d’emploi que celle d’aller travailler à Terre-Neuve, Yves Jégo n’aura pas eu la stature du respect, son arrogance de matamore finissant par lui faire perdre une bonne part de sa crédibilité.

Ah ! Soupireront certains, il a dit quelques vérités. Le populisme a toujours, il est vrai, ses effets dévastateurs. Me reviennent soudain les paroles de Marc Robine, dans Alerte : « Quand ils sont venus prendre les Juifs, / Je n’ai rien dit car je n’étais point Juif. / Quand ils sont venus prendre les Noirs, / J’étais de ceux qui ne voulaient rien voir. / Quand ils sont venus prendre les Beurs, / Je n’ai rien fait ; je n’étais pas des leurs (…) / Quand ils ont commencé à prendre nos villes, / Je n’ai rien dit : j’étais d’une autre ville. / (…) Aujourd’hui qu’ils sont là pour me prendre, / Il n’y a plus personne pour me défendre ! » Ouvrirons-nous les yeux quand nous ne serons plus que 4500 ?

Le courage aura donc côtoyé la passivité de la servitude volontaire, comme la qualifiait Etienne de La Boétie, au XVIè siècle. Mais il est tant de pages à écrire en retroussant les manches avec dignité contre l’adversité. L’histoire de france aura connu Pétain et ses affidés ; De Gaulle lui redonna sa majuscule.

Yves Jégo ayant promis de revenir au premier trimestre 2009, faudra-t-il lui repasser le plateau continental pour un meilleur tour de table ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
20 octobre 2008