Chronique du 22 octobre 2008 (2)

Soyons conscients d’une chose : nous sommes entrés dans l’œil du cyclone. L’Archipel a vécu dans une bulle minant toutes les couches sociales. La visite d’Yves Jégo aura eu, sans qu’on puisse en être surpris, un effet dévastateur. Qu’en sortira-t-il ?

D’abord, constatons que les secteurs économiques ont tous leur part d’artificiel. Mais peut-il en être autrement ? La crise d’aujourd’hui ne vient-elle pas du fait des abus que chacun s’accorde à reconnaître ? Trop de dérives avaient pourtant l’aval des autorités. Dans ce contexte, toutes les cartes en ressortent brouillées, chacun pouvant apparaître comme un privilégié au regard de l’autre. Beaucoup de repères auront été perdues dans la perception du « Y’a qu’à » et du tout est dû. La transmission des leçons de l’Histoire aura été perdue au fil du renouvellement des générations. Comment percevoir les limites du possible dans une société d’enfants héritiers des « trente glorieuses » ?

Le pouvoir politique local se sera enfermé dans son simple exercice, un projet de développement effaçant le précédent, chimérique, de la mémoire. 2008 s’achève dans la consternation, la désillusion l’emportant sur l’espérance. L’atmosphère qui en résulte alors devient tout bonnement délétère, l’Archipel risquant progressivement l’implosion.

Le sens identitaire collectif se sera estompé. Il n’est qu’une atteinte aux traditions des automobilistes qui puisse encore mobiliser les foules. Pour les grandes ambitions de société, on repassera. Circulez, il n’y a rien à voir.

La grogne ne devient qu’une opération apéritive dans un éclatement atomisé. Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-Mer, n’aura pas su respecter l’héritage de l’Histoire et c’est sans doute sa grande erreur. Il s’est comporté en caporal de bureau venant, le temps d’une inspection, enguirlander ceux qui sont sur le front. Il eût été beaucoup plus difficile d’enclencher plus méthodiquement une remobilisation assainie. Certes, cela eût eu moins de gueule dans notre société du spectacle. Mais l’avenir de la collectivité aurait eu de meilleures chances d’être plus radieux. À force de moulinets on finit par être Don Quichotte. Pendant ce temps, l’euro est passé de 1,60 dollars américains en juillet à 1,27 le 22 octobre. Les réalités du quotidien viendront titiller l’assoupissement.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
21 octobre 2008