Chronique du 10 novembre 2008

J’étais sur la mer, traversier portant voitures, camions, femmes, hommes et enfants. Cap au nord, sous un ciel tendre d’été indien. Cinq heures trente de voyage avant de toucher terre ; la nuit serait alors tombée. Temps entre-temps suspendu, voyageurs assoupis, d’autres sirotant leur « can », partages, échanges animés, variété d’attitudes parmi les quatre-vingt-huit passagers du transit.

L’oreille traîne, les voix sont hautes ; dans le bar du pont arrière, l’on se connaît ou reconnaît. Ne retourne-t-on pas vers les îles, terres aux visages familiers ? Est-il pêcheur, ce cinquantenaire casquetté et buriné qui soudain s’adresse à une femme entourée des siens ? Mots d’accroche, le lien s’est établi, il s’est assis. « C’est bien ce que tu fais, on se reconnaît dans toi ». Elle est artiste et fière de l’être, contente d’être ainsi reconnue dans sa démarche. Elle l’avoue, elle n’a jamais le trac, elle aime se livrer à fond quand elle est sur scène. Elle est un personnage, elle porte une communauté. Et lui le dit, le dit encore ; il est heureux d’être là, à partager sur ce qui les unit dans une identité insulaire fièrement assumée. Leur culture les unit, ils sont cette culture.

Îles de la Madeleine !

Comment ne pas penser alors à cette « Politique cadre de développement touristique, qui retient l’identité madelinienne comme l’un de ses fondements », telle que je la découvrais mentionnée sous la plume du maire Joël Arseneau dans le Magazine des Îles de l’été 2008 ? À écouter ces échanges de reconnaissance mutuelle, dans l’immensité du Golfe du Saint-Laurent, se dessinait dans mon imaginaire le fil conducteur qui, tout aussi perceptible dans notre propre communauté insulaire, n’est, à Saint-Pierre et Miquelon, que bien trop ténu sur le plan politique.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
10 novembre 2008