Chronique du 22 décembre 2008

Décembre de tourmente, les vents se sont déchaînés en ce vingt-deuxième jour du mois. Poudrin du matin, coup de vent de suète ; pointes à plus de cent kilomètres à l’heure et soudain, ça bascule au suroît. La neige cède sous la pluie avant que la nuit ne tombe.

Comment exprimer ce qui nous aura tourmenté en ce mois de décembre 2008, alors que le siège du Conseil territorial avait été transformé en chapelle ardente pour nos marins victimes du naufrage de leur navire ? Dehors, un peu plus bas, vers le sud, en ce jour de tempête les flots dans leur couleur acier, brassés jusque dans le barachois, fouettant le quai de la douane, désert et désolé. Dedans, cercueils alignés dans la grande salle des débats officiels, transformée en chapelle ardente. Population qui défile pour apporter son soutien aux quatre familles endeuillées, pour partager la dureté du sort. Dignité d’un pays de marins, au cœur de la souffrance.

Avec ce drame ne sommes-nous pas entrés une nouvelle fois au cœur de notre identité océane maintes fois tourmentée au fil des générations ? « Ces quatre hommes courageux sont entrés dans la légende » aura déclaré le préfet Jean-Pierre Berçot, celle de « l’histoire maritime de Saint-Pierre et Miquelon ». Car nous touchons là, en effet, la frontière de l’exprimable, là où se forge l’âme de toute une communauté.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
22 décembre 2008