Chronique du 20 mars 2009

Ô lecteur, compagnon chronique de mes divagations, sais-tu que voilà dix ans maintenant que je mathurine, mathurin de mes mâtures, portant voiles dehors sur le plancher des vaches, sur l’océan de mes frivolités philosophiques, de mes philisophicouillonnades, dans le dictionnaire de mes émaux ?

Eh oui ! Voici dix ans que je tapotai pour la première fois le clavier de mes touches, persuadé que cela tomberait à l’eau aussi sec. J’imaginais déjà ma plume à l’ancre dans le port désertifié de mes rêveries envolées. C’est te dire si ces envolées risquaient de m’apparaître très vite bateau. Difficile, me disais-je, d’être longtemps timonier sur le pont de ma galère d’élection, au risque de ramer sous les tollés.

Inconscient étais-je donc, inconscient, suis-je encore, un con sciemment, pour qui préfère, confrère de personne, comparse de la solitude, avide de Conrad, concitoyen de l’imaginaire, conifère de ma forêt boréale à l’abri des chevreuils, con descendant comme Sisyphe pour remonter la pente, con gelé les jours d’hiver, con vexant aussi parfois, confiture sur tranche de vie – petite pensée pour François Béranger -, samizdat des conciliabules, con tenu contemplatif, congénère des muses en goguette, aux confins de mes rêveries sans borne, dans la voie lactée de mes pis-aller, portant haut l’espar de mes espoirs, c’est te dire que ça pouvait s’arrêter net dans le brouillard de mes nuits blanches.

Et puis, vois-tu, il a suffi que je tape « Ô lecteur » pour que je m’épanche une fois de plus en accourant vers toi à cœur joie. Je ne m’attarderai toutefois pas sur ce que j’aurais pu écrire pendant ces dix ans, tant il y aurait eu à dire. Aussi me contenterai-je d’en résumer la grande ligne – de pêche – : …

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
20 mars 2009