Chronique du 25 mars 2009

Il est dit que le 25 mars sera jour d’annonciation. (Ah ! Les beaux restes de notre imprégnation judéo-chrétienne !) De là à enfanter d’un Saint-Pierre et Miquelon en culottes de velours, faudra voir. Doux Jésus ! Il aura fallu attendre, se battre, se cailler les meules, les arpions, les nougats, défiler en ligue, en collectif, en procession, sortir tout ce qu’on avait de beau linge, l’évêque, la députée, le sénateur, le président du territoire, la maire, le maire, les pères, les mères et les enfants, les plus jeunes, les plus vieux, les cravatés, les hirsutes, les parkas, les doudounes, les bonnets, les mitaines, les moufles (non pas les mufles, on n’aurait pas aimé), les vers solitaires, les ceux d’ici, les ceux de là-bas, les connus, les inconnus, ceux de la Haute, les dir’cab’ et c’temps qui n’en finissait plus, pour qu’enfin ce Gouvernement ouvre les esgourdes et se dise : J’entends des voix.

Ouf ! C’est qu’on allait y laisser la glotte, par Teutatis ! A se gauler la crève à tempêter aussi souvent par temps d’hiver et variés ! Qu’on se disait que pour sortir le Plateau il fallait en avoir dans le buffet. Ça y est ! Jouez hautbois, résonnez musettes ! Le Gouvernement français a annoncé par la voix de son ministre de l’Intérieur et de l’Outre-Mer qu’il nous sortirait de la mer des Sargasses en déposant la requête pour l’extension dudit plateau. Ouais ! On a évité de devoir y aller à couteaux tirés, la fourchette de l’espoir étant particulièrement étroite.

Eh ! François ! Faudrait p’être se bouger ! a dû dire notre Sarko qui sait dire. Bravo ! Ça change de tous ceux qui nous ont déçus dans le passé. Bien sûr, c’est loin d’être l’épilogue d’une saga qui commence à peine. Mais on nourrit aussi l’imaginaire avec des histoires à la « plus belle la vie ». Pour nous être souvent fait chapitrer en tant que têtes dures à vous empêcher de ronronner en rond, nous étions prêts pour plusieurs épisodes. C’est que pour une fois, les échos de nos luttes ont dépassé nos caps. Que j’en ai même lu Le Figaro, c’est te dire.

Notre député aura fait ses classes à la grande école des causes impossibles. Notre sénateur sera sorti avec brio du train ordinaire qui colle à la fonction depuis les lustres des blasons usés. Nos maires auront su faire bonne paire, notre président aura été de bon Conseil… Et puis le Collectif aura été comme un seul homme. La population aura su affirmer le Nous qui réchauffe les coeurs.

Et puis l’annonce aura eu lieu un 25 mars, ce qui est mieux qu’un 1er avril. Reste à voir ce que l’annonce va enfanter. « Encore heureux qu’il ait fait beau / Et que la Marie-Joseph soit un bon bateau »… me suis-je mis toutefois à chanter. Les jeux de mémoire ne sont-ils pas aussi imprévisibles que la politique ?

À l’Assemblée nationale, madame Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur et de l’Outre-Mer s’est engagée, au nom du gouvernement, à déposer la lettre d’intention concernant le plateau continental, auprès de l’ONU, avant le 13 mai 2009. Bravo.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
25 mars 2009