Doris sur les bois de l'espoir

Chronique du 8 – 15 mars 2009

Dimanche 8 mars 2009. Je m’ébroue les noix et réalise, déboussolé, que je ne suis plus à l’heure de Nuuk, mais à celle de Grytviken, en Géorgie du Sud. Que puis-je devant cette réalité implacable de ces temps où l’on régente votre vie, au cœur des villes ou sur un rocher battu par les embruns givrants sur les scories émergées d’un reste de mouvement appalachien ? Il faut être en phase avec nos voisins ; pas question de faire cavalier seul et de jeter sa montre à l’eau. À l’heure du tout numérique le temps ne vous lâche plus la grappe.

À l’abri de mon polaire (du sud), soucieux de ne pas perdre le nord, mes pas m’ont dirigé vers le soleil levant sur les salines, avant de remettre le cap à l’ouest, la mer m’ayant convaincu de rebrousser chemin – il n’est que des illusionnistes à nous les faire imaginer marchant sur l’eau -, et me suis accordé une pause devant la préfecture, au pied de deux cabestans.

Deux cabestans et des bois de saillage à l’extrémité du square Joffre, juste en face de l’ancien bâtiment du Ravitaillement de mon après-guerre – tu m’excuseras, mais je ne vais pas me vieillir plus avant pour te faire plaisir -, aujourd’hui annexé à la représentation de l’Etat, n’y avait-il pas là comme un patchwork de tableau surréaliste ? À gauche des cabestans, l’arbre de la liberté, symbole de nos illusions ancestrales, replié sur sa sève intérieure dans l’attente d’un printemps encore lointain.

Doris sur les bois de l'espoir

Dimanche 15 2009. Me suis-je habitué au décalage horaire ? Oui, sans doute. Le décalage entre l’Archipel et le gouvernement, lui, reste entier. Les jours se sont égrenés ; la population s’et rassemblée massivement mardi dernier autour de deux doris symboles d’une Histoire trop ignorée, trop méprisée. Des centaines et des centaines de lettres ont été envoyées à Nicolas Sarkozy pour l’alerter sur la nécessité impérieuse de déposer une lettre d’intention auprès de l’ONU pour l’extension du plateau continental. Lettres de vie en deçà de l’horizon atlantique ; lettres mortes au-delà.

Sur la place du Général de Gaulle un compteur fait le décompte dans l’atmosphère frigorifiée d’un hiver sans neige. L’espoir est enclavé dans les glaces de la bureaucratie francilienne. Ailleurs la France cocoricotte ; OTAN en emporte le vent.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
8 – 15 mars 2009