Chronique du 7 mai 2009

Marquons une pause, ô lecteur. Je t’avais donc abandonné, tout au long de ce mois d’avril, me découvrant ainsi de mon fil conducteur mathurinien. Aussi fus-je, vers mi-mois, on fait ce qu’on peut, tenté de le retisser, tout en me disant que ça faisait du bien de ne plus me faire taper sur les doigts par mon clavier.

Avril nous aura marqués, dans la lente progression du doris de l’attente, distançant à la poupe celui de l’espoir France. Au moment où je t’écris, la promesse de dépôt de lettre est entière. Les gouvernants savent promettre, comme tu le sais, chaque fois que tu as l’impression de t’être fait baiser au sortir des urnes. Le 13 mai – date ultime – approche. Les tolets changeront-ils d’orthographe ?

Puis ce fut la saga de notre usine de traitement du poisson. Je souris quand je lus (le passé est souvent simple) la déclaration du secrétariat à la mer se félicitant de l’aboutissement d’un long travail de mise en place de solution. Il aura fallu qu’une compagnie canadienne inattendue fasse le forcing pour qu’enfin un nouvel espoir surgisse des abysses. Certes, reconnaissons-le l’Etat gère la documenthèque des études misssionnées au fil de l’écume. Que chacun défende sa raquette (de poisson), quoi de plus compréhensible, après tout ?

Avril s’acheva sur les prémisses du printemps. Mais mai vint nous glacer ( à en claquer des dents, la preuve) les os avec sa déferlante virale dont on ne sait plus trop si elle fut médiatique, OMSéisée, prophétique de malheur, mutante des incertitudes qui mènent le monde, annonciatrice d’un temps pestif…

C’est te dire si l’on est loin de mai 68 et de la fleur à la boutonnière, des cheveux longs de l’insouciance et de l’amour free. Aujourd’hui la menace est dans les avenues, les rues, sur les trottoirs, dans les coulines d’un monde tellement nouveau que l’on n’a plus le temps de fixer les cartes qui nous permettaient, du temps de nos hussards de la république, de savoir que l’Afrique était noire, que l’Asie était jaune, que la France du Nord s’écriait Houille !, et que si l’on prenait un bon savon, il venait de Marseille.

Le monde est bousculé ; nous vivons donc la trouille au mètre – deux pour être précis, histoire de ne pas attraper la grippe ; la calotte – la blanche– fond ; la calotte – blanche aussi, mais celle du pape – décalotte. La Corée du Nord n’est pas chic. Et je ne parle pas de l’Irak, clef des claques, passées, présentes et à venir.

Je n’ai pas encore vu un pissenlit. Je l’attends avec impatience ; il me fait penser chaque année au soleil, forcément, après qu’on en ait fait toute une salade.

Ainsi est allé la vie, au fil d’avril. Mais je n’ai presque rien écrit, car cela m’aurait amené à tapoter la touche tous les jours. Depuis quelques jours, le virus m’a rattrapé, comme tu as pu le remarquer.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
6 mai 2009