Jean-Louis Viñolo, De la Garonne au Saint-Laurent

De la chanson avant toute chose. Et pour cela, un univers.

Celui de Jean-Louis Viñolo, archipellien depuis six ans maintenant, porteur de rêves, de vécu de part et d’autre de l’Atlantique, « De la Garonne au Saint-Laurent », comme le souligne le titre de l’album, avec, entre les deux, d’autres plages, d’autres soleils, des rythmes chargés d’émotion hispanique, véhicule à son tour de la mobilité des hommes à travers les âges, dans sa démarche personnelle. Au cœur de ses chansons – il en est l’auteur-compositeur-interprète -, une grande sensibilité qu’une voix chaude, nourrie de soleil, sait nous faire partager.

Avec lui, des musiciens de ses îles d’adoption également, Thierry Artur (batterie, percus, accodéon, piano, saxo, flûte, harmonica), mais aussi Thierry Le Bouard à la guitare, Philippe Apestéguy, à la basse. Dès le premier morceau, j’ai senti que ce serait pour moi un coup de cœur. Et jusqu’à la fin, j’aurai résonné de plaisir, par la qualité de l’écriture, de l’interprétation, des rythmes choisis, variés dans les influences. Autour du projet, l’on sent qu’une grande amitié se sera forgée et que le plaisir était au rendez-vous.

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Car l’enregistrement se sera effectué à Saint-Pierre, au tout nouveau studio de Xavier Landry, le studio Sesame, des premières saisies de notes au mixage final, le tout très réussi. L’impression du disque et de la pochette aura été réalisée en France, comme on dit localement. Avec l’Atlantique en trait d’union, par conséquent.

Chaleur et couleurs au rendez-vous également avec l”illustration d’Hélène Lemoine, artiste de l’Archipel, Soleil et montagne, mer et nuages, roche et verdure, entre mer et sommets.

Le regard est adulte, dès la première chanson, sur un rythme enlevé de guitare manouche : « Lorsque plient les branches des peupliers / Annonçant le vent de l’amertume… Je regarde vers un pays qui pleure ». Car le soleil, la chaleur, ne peuvent occulter les déchirures, les souffrances de ces lieux que l’on aura découverts, aimés. Témoigner de ces contrastes fait aussi partie de la démarche. Les dés en sont ainsi jetés, quels que soient les « méridiens », autre belle chanson, 2è titre de l’album. « Il est des latitudes » qui permettent de collationner des souvenirs forts et contrastés. Aventure humaine donc, dans l’ouverture à l’autre également, de la pluralité des grands brassages à la dualité du rapport entre deux êtres. « Ma femme », bel hommage que résument bien les derniers vers : « Dans une fleur, dans une larme / Dans un sourire tu seras ma femme », sur un air riche de tendresse. Le CD permet cette démarche de contraction des ressentis, du « premier voyage » pour « épouser à jamais les semelles du vent », une belle formulation de ce qui nourrit l’originalité de l’artiste. Imprégnations de musiques ondulantes, qu’un climat subarctique aura permis de révéler. La synthèse ainsi réalisée est un enchantement. Les titres sont en eux-mêmes évocateurs, Lima, Nazca, Rio, du sud au nord, « De la Garonne au Saint-Laurent… », bien sûr. Il est là le fil conducteur, dans ce lien entre des mondes séparés (ou unis) par une grande nappe océane. Au bout, « j’ai trouvé deux îles ». Pas besoin de dire plus pour exprimer l’amour.

Les chansons témoignent aussi de la richesse des rencontres, avec « les musiciens » porteurs de recherches et de cohésion. Jean-Louis Viñolo est « Artiste », comme le dit la chanson, à chanter « pour la vie », au plus tard d’un parcours de vibrations sur les planches.

Le CD se clôt – mais paradoxalement vers d’autres ouvertures possibles – sur un texte d’Alexis Gloaguen, écrivain d’un autre osmose entre terre d’origine, terre d’adoption et ses propres rivages imaginaires. « Avant l’orage », est-il chanté, sur la musique de Jean-Louis Viñolo. Pour d’autres jaillissements. Au cœur d’un parcours de nature solitaire : « Il restera bien un regard / Pour l’or de la bourrasque solaire / Avant l’orage »…

Bonheur de partager ainsi dans l’écoute cette richesse issue des rencontres, destinées humaines et paysages entremêlés, alors que dans nos sociétés vénales d’aujourd’hui l’on voudrait nous condamner à l’enfermement froid , au repli, au refus de l’autre. Les chansons de Jean-Louis Viñolo révèlent – au sens photographique du terme -, la richesse des regards ouverts et aimants.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
27 mai 2009

Jean-Louis Viñolo, De la Garonne au Saint-Laurent, CD

Pour renseignements : jlvinolo@hotmail.com