Desserte maritime en fret de Saint-Pierre et Miquelon – 1er volet /4

Premier volet (sur quatre) d’une réflexion sur la desserte maritime en fret de l’Archipel.

Rien n’est simple à Saint-Pierre et Miquelon, on en conviendra, dans un contexte insulaire. À entendre parler une nouvelle fois de desserte à l’orée de l’automne 2009, je me suis dit que décidément, l’on tournait en rond dans la résolution de la quadrature du cercle dans notre appartenance hexagonale.

Puis j’ai voulu en savoir plus, histoire de ne pas être mené peu ou prou… en bateau. En prenant du recul par rapport au coup de colère de l’été, en essayant d’identifier les prises de position, je me suis dit que si l’on creusait un peu, rien n’était neutre.

Bref, l’on parle toujours de DSP, trois lettres pour Délégation de Service Public afin d’assurer la desserte maritime en fret de l’Archipel, le tout comportant deux volets :

 la desserte maritime internationale ;

 la desserte intérieure ou inter-îles.

La première relève de la compétence de l’État, la seconde de la Collectivité territoriale.

De nombreuses péripéties que l’on aurait presque tendance à oublier, le temps faisant son œuvre de brosse à tableau, auront amené l’État à dénoncer en 2008 la Délégation de Service Public signée fin 2004 pour cinq ans avec l’armateur d’alors, Alliance SA.

Pendant onze mois, la desserte aura été assurée sous réquisition par la société TMS (Transport Maritime Service). En août 2009, au terme d’un long processus, une nouvelle DSP aura été confiée par voie contractuelle, pour une durée de sept ans, à un armateur local, nouvellement créé, la société TSI (Transport Service International Sarl) dont les fondateurs auront pu, entre-temps, faire leurs preuves, sachant qu’ils étaient directement partie prenante de la période aujourd’hui échue de réquisition, dans le cadre de la société TMS.

Qu’aurons-nous constaté ?

D’abord que les liaisons Halifax – Saint-Pierre auront pu être assurées avec régularité, d’où une sortie d’une situation de crise oppressante où, faute de bateau, les étals étaient souvent vides. Le commerce aura ainsi été en situation de répondre avec une sérénité retrouvée aux besoins de la clientèle. Car si l’esprit se fixe sur les ruptures, il en viendrait assez facilement à ne pas percevoir la régularité de ce qui fonctionne. Désormais, en-dehors de données météorologiques, qui dans notre espace régional, font partie des paramètres à prendre en compte, chacun peut voir le Dutch Runner à quai le dimanche. ; le lundi, les commerçants sont à pied d’œuvre ; dans la foulée, le consommateur peut se réapprovisionner.

Depuis le début de la réquisition, avec le feu vert du Secrétariat d’État à l’Outre-Mer alors sous la houlette d’Yves Jégo, la grille tarifaire aura été maintenue, les mêmes tarifs étant appliqués à tous les importateurs sans distinction.

Depuis la signature de la nouvelle DSP en août 2009, ces mêmes tarifs sont toujours en vigueur, compte tenu du mouvement de contestation quant à des données qui entraîneraient des augmentations sensibles. Les parlementaires auront prolongé, dans leur démarche auprès de Marie-Luce Penchard, le successeur d’Yves Jégo, l’expression de ce mécontentement.

À ce sujet, relevons qu’il il serait bon d’analyser les véritables effets induits par le fret sur le coût à la vente des différentes catégories de produits. Pour l’instant, depuis le début de la période de réquisition, le consommateur aura certes remarqué des variations dans les prix des produits mis à sa disposition, variations que l’on ne peut toutefois pas imputer au fret maritime, puisque les coûts du transport n’auront pas varié. À moins – hypothèse que l’on pourrait approfondir – qu’il s’agisse alors d’ajustements liés à l’application de tarifs identiques pour tout le monde. Ajoutons, que face à des augmentations, dans un contexte où l’on se sent pressuré, l’émotion peut vite nous emporter. Or, n’oublions pas que la variation des prix alimentaires, par exemple, dépend aussi des évolutions sur le marché. Les hausses frappent les esprits en métropole également. La ménagère, dans les allées de son hypermarché, a aussi de quoi parfois sursauter.

Avant d’aller plus avant dans l’analyse du mécontentement lié à la crainte d’une forte inflation à venir – objet d’une autre chronique – , précisons l’importance, pour tout ce qui touche à la vie d’une cellule familiale – nourriture, habillement, produits d’entretien, réfection de l’habitat…, de mieux connaître les paramètres qui aboutissent à la fixation du prix du produit mis à la vente : part du fret, des taxes douanières, des pertes, marge des acteurs de la chaîne commerciale (pourcentage prix par l’importateur, le grossiste, le détaillant)… Là réside le vrai exercice d’un suivi des prix à la consommation, sans oublier de prendre en compte les notions de concurrence et de choix éclairé – et à ce sujet, par quels moyens ? – du consommateur.

N’entendons-nous pas parfois les lamentations de certains commerçants quant aux pratiques qui amènent des consommateurs débrouillards à aller se réapprovisionner à Terre-Neuve ? Ne serait-il pas sage, plutôt que de perpétuer une approche vers un public tenu le plus possible captif, de mettre en place une offre commerciale où les règles seraient plus transparentes, l’accueil, le suivi de clientèle, la qualité ajoutée amenant alors le même public à se dire qu’au fond, il retrouve son compte en se fournissant à… Saint-Pierre et Miquelon ?

Henri Lafitte, 26 septembre 2009