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The Rabeats, Yesterday… au Centre culturel

Reprendre le chemin d’un groupe musical mythique, dans une démarche d’osmose existentielle, ne m’a jamais particulièrement accroché. Mais, et c’est le paradoxe, j’ai senti qu’il fallait que je fasse comme tout le monde en me déplaçant au Centre culturel de Saint-Pierre en ce samedi sur la terre – c’est fou ce que Cabrel peut venir s’immiscer dans des souvenirs où il n’y est pour rien -, le 29 septembre d’une nuit d’automne 2009.

Au programme, les Rabeats, groupe dont je t’avoue ne jamais avoir entendu le nom avant de le découvrir programmé sur nos îles, n’a-t-il pas tracé sa notoriété – dont je n’avais pas l’intention de douter avant le début du spectacle – en empruntant dans les clous l’avenue des Beatles.

Vous avez vu ces cheveux à la Beatles, entendait-on du nom de nos parents, lancés tête baissée dans les Trente Glorieuses dont ils ignoraient le nom et qui allaient bouleverser les perceptions des insulaires qu’ils étaient et à qui nous allions un jour succéder dans nos premiers balbutiements. Forcément, on écoutait les Beatles. I Can’t get no… Pas de satisfaction déjà, alors que ce n’était pas si mal, en tout cas moins stressant que pour les adolescents d’aujourd’hui.

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Come on… C’est parti. Ça va ronfler ; a ticket to ride naturellement. La salle des sports du centre culturel est bondée de spectateurs debout. 750 entrées. Fichtre ! Standing ovation dès les premières notes. Les morceaux s’enchaînent, dans une cadence folle. Le groupe maîtrise son affaire, la machine est huilée. Appeler à l’aide ? Voyons-donc. I love you, you love me. Tout le monde s’aime. L’ambiance est à la fête, toutes générations confondues. Les plus anciens, dont je fais partie, revivent des sensations en latence, qui soudain se réveillent ; les plus jeunes vibrent de la même manière. Car ces morceaux ficelés, enlevés, secouaient dans les années soixante le Landernau. Curieux comme cette force, au fond, est restée intacte. Sans doute y a-t-il davantage accoutumance, car tous les chemins du rock ont été défrichés.

Back in The USSR. J’attendais ce morceau. Je me revois avec un double 33 T à la pochette blanche, devant le pickup bleu – qui n’avait rien d’un camion – de la maison familiale. Pas de fioritures dans les transitions ; mais le respect des enchaînements d’alors, la mise en scène, dans des tenues qui en 2009 apparaîtraient comme bien conformistes, vieille Angleterre ; les cheveux mi-longs qu’on pourrait dire aujourd’hui peut-être mi-courts, font écho aux guitares identiques à celles des origines. L’on échange rapidement lors des transitions – autrement, c’est plus difficile car le niveau sonore est élevé – ; le groupe est bon et emporte l’adhésion. Il y a là, sur scène, des musiciens qui ont voulu redonner vie à toute une époque, à un groupe mythique, et ils réussissent ce tour de magie. Yesterday est tout aussi présent aujourd’hui.

Let it be… J’entends la chanson-phare en arrière-plan, alors que je m’éloigne. Je ne suis pas resté jusqu’au bout. Pourtant j’ai aimé. Mais l’on ne changera pas les contraintes de ce gymnase décidément impropre à la musique. Le niveau sonore ayant monté, j’ai fait le choix du repli, triste pourtant de n’être pas resté jusqu’à la fin. The Rabeats méritaient le détour. L’ambiance était au beau fixe en ce soir de septembre, dans un parfum de jeunesse renouvelée.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
27 septembre 2009