Chronique du 7 octobre 2009

À vivre sans que ça déconne, on se constipe sans gloire.

Enfin, je te le dis tel que je le pense, ô lecteur avide de croustilles sur la table de ton quotidien. Le Dutch Runner aura donc été affrété pour transporter chèvres et brebis, leur évitant ainsi d’avoir à entrer en religion à force de rester cloîtrées sur le quai du commerce de la désespérance.

Et voilà qu’un autre bateau, parti lui de Miquelon, est venu dans l’autre sens pour leur apporter du foin.

Et bé ! Comme tu le dis si bien dans ton pré carré.

Imagine les bateaux à la cape au milieu de la baie, les brebis en train de brouter au-dessus des moutons. Surréaliste ! Tu rêves, me diras-tu. Bien sûr, rétorquerai-je. Mais pour le foin, en attendant, faudra aligner le blé. De quoi manger son blé en herbe, évidemment. Ah ! Le beau pré, auraient pu s’écrier les chèvres du temps de la marine à voiles. Ah les cons ! se seront-elles exclamées en cet an de grâce n’en rajoutons plus 2009.

Car faut pas prendre nos chèvres et brebis pour des canards sauvages. Déjà que sur nos îles ça se regarde suffisamment en chien de fusil. Surtout que l’on ne sait plus trop si l’on est chèvre, brebis, agneau, mouton ou le tout en même temps.

 Tiens, je t’en sers un autre, m’a dit un pote.

 Pourquoi ? lui ai-je demandé.

 Pas question de partir sur une patte, a-t-il observé.

Et dire que j’étais sur le point d’être bête à manger du foin…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
7 octobre 2009