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Dode… Sur les traces des Fleurs…

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« À qui appartient-on ? »

Interrogation chargée d’angoisse, de déchirures déjà, à l’unisson de la voix d’un jeune artiste écorché dans l’irruption d’une sourde émergence. Ainsi s’ouvre le CD de Dode, lancé sur les rives des grandes découvertes en ce 9 octobre 2009. Sommes-nous entrés dans un monde où les synthèses de l’expérience se font en accéléré pour mieux révéler les souffrances inéluctables, nourries des « siècles passés », deuxième titre de l’album ? Qu’est devenue cette France qui soudain aura bousculé ses rêves adolescents ? « Adieu la France, victoires et démences / Adieu l’essence des siècles passés ». L’artiste venu des horizons insulaires hurle et ourle sa déception, comme dans un compte à régler avec Rouget de Lisle. Je perçois déjà la force de ce noir et de ce blanc d’un superbe livret, riche de paroles, conçu par Raphaëlle Goineau, artiste peintre de l’Archipel, qui aura su se mettre à l’unisson du poète, compositeur, interprète, emporté dans son univers de rock et chemins rocailleux. Photos suggérées, brume et volutes, démarche de groupe au fil des pages, Eric Poitras à la guitare, Jean-Guy Poirier à la basse, Yoann Detcheverry à la batterie ; mais aussi des intervenants de l’aventure, Claire Poirier à la batterie, Pascal Hutton à la guitare, Xavier Landry à la batterie. Eric Dodeman, bien sûr, barde d’un XXIè siècle torturé, qui par les mots et la voix envoûte l’auditeur ou l’auditoire, nervalien en filigrane et baudelairien dans ses fibres intimes, dans les « r » crachés, les « ères », les « ers », « colères », « revers », dans les résonances ainsi prolongées, portées par un mixage de qualité et un mastering à la hauteur, l’un dans le prolongement d’un enregistrement assuré par le studio SESAME à Saint-Pierre et Miquelon, l’autre aux États-Unis, à Memphis Tennessee. Une œuvre portée avec amour et passion, de la musique, à l’écriture, en passant par le ressenti pictural. Je regarde la première de couverture. Un tableau, un portrait, de la tête aux genoux, diffus. Pas de nom. Il est sur la tranche d’un album à trois volets avec livret inséré. Objet de qualité, imprégné de mystère, perles et noirceurs.

Rien ne serait donc acquis, et surtout pas dans la relation aux autres, que l’on « ferme les yeux » ou qu’on ne se sente pas le bienvenu. Vient alors aux accents de ballade, cadencée par la guitare acoustique, le chemin douloureux, mais attendri, vers La femme, « Madone », pour plonger ensuite plus avant dans la source primale, des Fleurs du Mal. Cadence des toniques de syllabe en syllabe qui se moque des vers, dans la mise en forme revisitée du Spleen ou dans sa propre écriture, tissant ainsi l’unité de l’ensemble et je suis prêt à suivre les artistes dans une nouvelle forme du « Voyage »… « Allons… » Là vient l’écho des guitares qui m’aura déjà enchanté, au sein d’un corpus nourricier de quatre poèmes, au centre de l’écrin. Et « je crois boire un vin de bohème », comme dans « Le serpent qui danse ».

Porté par le souvenir enchanté d’une prestation live, où j’ai pu mesurer une adhésion méritée, je médite et méditerai encore, dans le balancement incessant entre rêves et douleurs des constats. Comment ne pas se laisser emporter par le plaisir des mots sans concession, quelles que soient les meurtrissures de la vie ? « Des vendus et des chiens qui ont fui la ronde / S’oubliaient soudain à contempler notre monde ». Par effet retour, l’appel de l’artiste albatros prend toute son ampleur, jusque dans son chant de mémoire, dans un très beau texte de douzième de fermeture… provisoire.

Pour finir, dans la pudeur d’une chanson cachée, après un temps de pause de dix minutes, un très bel hommage à nos frères naufragés quand soudain tout chavire dans le voyage de l’infortune. Et nos cœurs qui se pleurent…

Pour un album de choix dans mes Curiosités… musicales.

Henri Lafitte, Curiosités musicales
9 octobre 2009

Référence, Dode, CD, SESAME 2009