Chronique du 26 juillet 2010

Ne jamais baisser la tête, lutter contre l’adversité… , qualités de nos ancêtres que nous aimons à répéter. Désir d’en être dignes, toujours présent, du moins l’espère-t-on. Car les mots ne suffisent pas. Pour que l’Archipel de Saint-Pierre et Miquelon vive demain, il ne suffit pas de se contenter du confort passif pour qui peut en bénéficier.

Il aura fallu la détermination des organisateurs du Festival des Déferlantes atlantiques pour que celui-ci reprenne après une année d’interruption ; il aura fallu des volontés joyeuses et combatives, ne serait-ce pour que des soirées se tiennent à l’Île aux Marins, lieu enchanteur des soirées de plaisir partagé. Certes, il y a un bateau, mais qui n’assure la navette que pendant les heures ouvrables, de celles qu’on se demande qui les décide et en fonction de quoi. À quoi bon s’efforcer de répondre à des perspectives de développement quand on se replie avec force certitude sur le ronronnement facile ?

Mais nos îles demain n’existeront que par la détermination des acteurs d’une pièce multiple, toujours à écrire, souvent contre les conformismes. Il faisait bon, malgré la bruine, d’être dans le zodiac de l’école de voile pour nous rendre à l’Île, là où il se passe quelque chose grâce à la volonté de Saint-Pierre-Animation, d’Archipélitude…

Le festival des Déferlantes atlantiques se déroule en cette fin juillet 2010 sur l’ensemble de nos îles, Saint-Pierre, Île-aux-Marins, Miquelon réunis, contre vents et marées, sous chapiteau, dans les bars, à la maison Jézéquel, malgré toutes nos frustrations quant au transport maritime des passagers, mal assuré et si peu maîtrisé depuis plus d’un an. À chanter sur l’île à l’entrée du port, je pensais hier à ceux qui se battent encore pour vivre du tourisme et qui souffrent, forcément, de tous les handicaps trop longtemps supportés. Pour qui doit répondre à des impératifs de survie économique, les justifications cravatées ne peuvent qu’apparaître bien confortables pour qui n’a pas les mains plongées inéluctablement dans la démerde.

J’ai goûté l’ambiance festive de la maison Jézéquel, partageant le coin de scène avec Pascal Lejeune, du Nouveau-Brunswick, accompagné par John et Christian Boulay. La chanson acadienne est riche de renouvellement, de signes porteurs, de plaisir et de désir. Celle de Pascal Lejeune se nourrit d’une belle sensibilité, dans le regard finement décalé sur le rapport aux autres, dans la relation homme-femme, par exemple, ou dans son regard identitaire. Chansons introduites avec tact et humour, musique bien ficelée, mise en forme de qualité, toute en nuances, dans le rythme country folk imprégné par la Gibson acoustique de l’auteur-compositeur, la contrebasse de Christian Boulay et les enrichissements mélodiques de John, multi-intrumentiste, guitare, banjo, mandoline, pedal steel, savamment dosés et agencés.

J’ai goûté cette soirée à laquelle j’aurai participé, m’imprégnant au plus profond de l’ambiance festive, de la qualité d’écoute de l’auditoire, du rayonnement du plaisir partagé. Nous nous sommes retrouvés, pour le retour, à nous mouiller une nouvelle fois les fesses dans le zodiac d’une force toujours en mouvement, dépassant la contrainte d’un temps peu clément ce mois de juillet, tellement heureux d’apprécier le vivre ensemble. Une façon de témoigner, sans se laisser avoir par l’adversité, du désir que nos îles vivent demain, sans se prendre la tête, quelles que soient les tristes figures de demain dans le lot quotidien d’une Histoire à écrire.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
26 juillet 2010