Chronique du 23 septembre 2010

« On doit se lever pour changer tout ça » de chanter Tiken Jah Fakoly dans son dernier album à propos de l’Afrique. Texte sans frontière à y regarder de plus près, transposable, dans le respect des différences, jusque dans nos îles éloignées.

Voilà maintenant quelques années que les Français subissent une politique arrogante, destructrice de solidarités dont les effets se font sentir au fin fond des territoires excentrés. Réaction à la nécessité absolue de recentrer l’urgence sur les conditions du « vivre-ensemble » ou prise de conscience, à l’ère des pertes de repère, de cette impérieuse nécessité ? Quoi qu’il en soit, le discours politique pétri de « gestion » n’est plus supportable. D’où les soulèvements successifs qui ne suscitent que mépris chez les dirigeants du pays, imbus de leur suffisance. Jusqu’à une onde de choc, objet pour l’instant de fantasmes récurrents ?

La remise en cause des retraites n’est-elle pas une atteinte au respect de la vie de chacun ? Comment mesurer – avec quelle calculette – le ressenti de chacun, dans son parcours d’existence – quand les années viennent à passer ? Qui peut résumer la « pénibilité », terme trop « physique » pour être significatif ?

Dans le long cheminement qui aboutit dans le passage de témoin, de relais entre générations, n’y a-t-il pas cette respiration essentielle vers l’absolu inéluctable ? Échapper au carcan d’un ordinaire longtemps accepté, dans un fonctionnement social « salarialisé », fait partie des rendez-vous probables avec soi-même. Imposer la retraite à 67 ans est destructeur de cette aspiration ; sa perception varie, bien sûr, en fonction de l’âge et du parcours de chacun. Et c’est ce fil transcendant de tout parcours humain qui est en train d’être rompu.

Les Français et les insulaires que nous sommes se retrouvent dans cette volonté de clamer « Non ! » à un pouvoir qui, pour faire l’économie du peuple, s’est enfoncé des bouchons d’oreille dans les feuilles. L’Archipel de Saint-Pierre et Miquelon, par le biais de quelques forces courageuses, les syndicats CGT, CFDT, FO et ceux de l’Education nationale, a brandi son refus de la marginalisation au sein d’une république malmenée. Pour autant, l’absence des politiques, en-dehors du mouvement Cap sur l’Avenir qui aura appuyé la mobilisation, d’autres syndicats, de la majorité de la population, fait que, sans sursaut, l’on accusera le coup du mépris assené par l’annonce d’une revalorisation des retraites de 1,5% et le jeu trompeur des accompagnements dits sociaux. Je regardais pensif la porte-drapeau des sacrifiés de l’ENIM ; « nous sommes un pays de marins », de rappeler une représentante syndicale…

Sur les ondes de Radio-Atlantique, à 12h30, les représentants syndicaux en appelaient à un sursaut indispensable pour un nouveau rassemblement prévu à 16h00 devant la préfecture, guichet de l’État sarkozyen ; l’une d’entre eux déplorait l’individualisme mortifère qui prévaut de plus en plus sur l’Archipel.

Le gouvernement ultra-droitier de Sarkozy joue à Saint-Pierre et Miquelon la carte du laminage, comme de la mise en coupe réglée de tout un pays. Il faudra une sacrée dose de prise de conscience et de réveil dans la mouise inéluctable pour retrouver le flambeau de l’espérance.

L’Homme n’a-t-il pas besoin de se rêver la tête au-dessus des nuages pour trouver sa Voie ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
23 septembre 2010