Chronique du 26 mars 2011

« Fukushima, silences coupables », de titrer Le Monde ce 26 mars 2011. Et de souligner l’angoisse grandissante des Japonais qui réalisent soudain l’ampleur de ce que leur a caché le « lobby nucléaire ». Le gouvernement japonais lui-même s’en émeut, réalisant qu’il a été sans doute berné.

La situation est donc nettement plus grave que celle qu’on voulait nous vendre ; la contamination est déjà majeure, sans que l’on puisse mesurer l’échelle à venir de la dégradation. Experts, techniciens, politiques sont dépassés ; pendant ce temps, des combattants de l’impossible sacrifient leur vie pour tenter de juguler le danger. Ils y laisseront leur peau.

Que faut-il désormais pour dessiller les yeux du déni dans les choix fous opérés ? Le Monde conclut son article par une précision révélatrice : « Les 8 employés d’Areva, entreprise française leader mondial du nucléaire, qui étaient présents sur le site au moment du séisme, ont rapidement pris la mesure du danger puisqu’ils ont été parmi les premiers à partir. » Bref, ils se sont cassés, ils ont mis les voiles ! Ils n’allaient tout de même pas se faire irradier comme de vulgaires sushis, tout de même. Aussi bien se replier sur leurs terres d’origine, là où l’on est meilleur que partout ailleurs. Car bien sûr, tout ça n’arrive que chez les autres. Car l’Homme déclenche des catastrophes plus grandes encore que les soubresauts terrifiants de la Terre. Quel est le pôle de l’angoisse aujourd’hui ? Le tsunami ravageur ou la catastrophe nucléaire par aveuglement de ceux qui en avaient la charge ? Peut-on considérer d’ailleurs qu’ils soient les seuls responsables quand tout repose sur des choix de société à l’échelle planétaire ? Dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre dévastateur, on pouvait prendre connaissance des interrogations quant à l’état du Yen et le cours des bourses ? De quoi gerber, en y pensant, aux réactions indignées de certains politiques français qui s’effarouchaient d’indécence face à l’expression immédiate de la préoccupation écologique ?

À l’heure où force est de reconnaître que l’océan lui-même est atteint au large des côtes nippones, c’est toute la chaîne alimentaire qui est en cause ; la vision ne doit pas se réduire à la dimension d’un aquarium ; les poissons se nourrissent, se déplacent, sont tour à tour prédateurs et proies ; tout participe de tout, mer et terre indissociables, espèce humaine englobée dans le tourbillon de la vie.

« La radio-activité du nuage de Fukushima a peut-être été sous-évaluée », titrait aujourd’hui Le Parisien. « Peut-être » ? 

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
26 mars 2011