Chronique du 21 mai 2011

Il pleure dans nos coeurs comme il pèle sur la lune, n’est-il pas vrai ? Et le printemps chez nous n’est qu’espoir, rêverie et illusions entretenues. Quoique, si d’aventure il t’en va promener, tu auras pu noter quelque pissenlit provocateur narguant les frimas casse-bonbons. Prends donc ton calepin et note que mai 2011 à Saint-Pierre et Miquelon était aussi avenant que Rikers Island à New York. Pourquoi Rikers Island, me diras-tu ? Parce que j’ai tapé sur mon clavier « prison » et que je suis tombé dessus, pardi. Tu crois encore à la muse qui m’aurait soufflé un nom pareil ?

Bon, je sens que tu t’ébroues. Oui, tu as pu te lever et vérifier que derrière les carreaux le temps était encore à la mouise. Il ne te reste plus qu’à récapituler – vu qu’on est en week-end -, le cours des bourses sur un air de valse de Strauss, sans lever la garde en t’écriant : advienne que pourra ! À moins d’écouter un morceau jazzy, ce que j’ai fait avec Miles Davis. Je ne sais pourquoi je suis tombé sur I fall in love too easily, une composition de S. Cahn et Jule Styne. Tant qu’à faire aussi bien t’apporter quelques précisions. Une histoire de printemps et de Basin Street Blues, en quelque sorte, dans une rue troublante et animée de La Nouvelle-Orléans. Pas une histoire d’hôtel cinq étoiles non, mais une façon comme une autre de franchir les sept marches vers le paradis. (Ça c’est pour tester ton goût pour le jazz) So near, so far, un autre du même disque, comme un rêve de ce qui aurait pu se réaliser mais qui t’échappe soudain. Tiens, tu aurais pu aller cultiver ton jardin, mais tu t’es pris les doigts dans la lourde et tu es condamné in petto à laisser les autres en faire des salades. Comme quoi, et je t’en laisse juge, même un samedi de faux printemps, il peut s’en passer des choses.

J’ai écouté le discours d’investiture du nouveau président ivoirien Alassane Ouattara à la télé. Très sérieux le gars, rassembleur, itou. Moi, ce qui m’a fait marrer, c’est les tronches qui dormaient, dans un travelling de caméras. Je ne peux pas te dire s’il a dit merci à notre président à nous, parce que j’ai dû aussi en louper un bout dans les bras de Morphée. Tant l’attente du printemps qui n’en finit plus de retarder sa venue peut perturber les vieilles sèves.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
21 mai 2011