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“… et pour demain un nouveau soleil”… “Comédie”, le nouveau CD de DODE

Résolument rock, roc, dès le premier morceau, dans la complexité d’une météorite dotée d’âme tourmentée, soudain cueillie au vol… Ainsi ai-je ressenti la trame du tout nouveau CD de Dode, arrivé à Saint-Pierre en cette fin mai 2011 pour une mise à disposition du public immédiate. Pochette à l’unisson qui attire l’œil de ses couleurs chaudes et sa dimension onirique, liées à l’imaginaire de l’artiste peintre Raphaële Goineau, sans que le nom de l’artiste chanteur n’apparaisse, mention reléguée sur la tranche d’un produit joliment travaillé, avec livret dense en textes et illustrations.

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L’univers de Dode s’imprime – et se reconnaît – dès les premières notes, voix à la scansion ondulatoire quasi destructurée, aux tonalités écorchées, à l’image d’une écriture complexe, reflet d’un regard torturé sur la vie. « Comédie », titre de l’album, d’une comédie humaine douloureuse, que le rock hard-progressif – il est toujours difficile de cadrer un genre en quelque qualificatif – porte dans ses dédales de cris ou chuchotements instrumentaux, pour une dominante en ouverture de tourmente sonore, batterie, basse, guitare entremêlés. Sans doute est-on d’abord emporté par ce flot, pour un voyage qui devra être renouvelé afin de mieux percevoir les textes eux-mêmes. Déroutant sans doute pour un non-initié ; intriguant quand on y perçoit la tornade d’un univers déconstruit, entre rêves, perceptions immédiates, révoltes, angoisses, espoirs inassouvis, tenaillés par les désillusions. « Revenu », titre du premier morceau, retour d’un être trituré ? A-t-il raison d’être là ? Peut-il se retrouver dans le carcan des figures imposées ? « J’en étais revenu, j’étais encore en vie… » La voix emplit l’espace puis déferlent guitare et batterie. Te voilà percuté, uppercut dans ta sérénité facile. Les musiciens gagnent en détermination, Eric Dodeman au chant, Yohan Drake à la guitare, Eric Poitras, guitare principalement, basse à l’occasion, Xavier Landry à la batterie. L’ensemble a été réalisé au studio Sesame à Saint-Pierre, masterisé par un ingénieur du son réputé, Bob Ludwig – il a travaillé pour des noms comme Eric Clapton, David Bowie, Rolling Stones, Nirvana, par exemple -, aux USA. Les textes sont d’Eric Dodeman ; mais la démarche créatrice, dans l’agencement paroles et musique, est celle d’un groupe soudé qui a trouvé son unité.

Douze titres, dont un texte de Victor Hugo et une évocation de La Peste d’Albert Camus. Romantisme agnostique dans un monde où toute surface renvoie vers des profondeurs de déchirures, comme « Jardin divin » : « Était-ce bien la terre que j’avais connue ? / Était-ce bien ce rêve auquel on avait cru ? ».

L’album s’est enrichi d’ambiances diverses, comme dans la ballade de « Soldat II » jusqu’à la voix recueillie au début de « La Peste » précédant le lyrisme global porté par l’émergence du wah-wah ou l’évocation plus acoustique initiale du « dernier festin », ambiance hard-rock toujours présente comme dans « Le cirque », où les envolées bénéficient des breaks qui impulsent ainsi la respiration bienvenue. Sans doute aurai-je été particulièrement sensible au texte de Victor Hugo – sept strophes extraites de « Claire » des Méditations -, où la voix colle avec grande sensibilité à la gravité de la vie sur la corde, guitare et… violoncelle subtilement suggestifs.

Bousculé par le premier titre, où la voix sur la fin du morceau me semblait quelque peu noyée, j’aurai été progressivement conquis par les atmosphères évolutives, pour aller jusqu’aux horizons de la méditation comme « Tombe », autre titre faisant vibrer les fibres intimes. Curieuse rencontre entre un auteur jeune pourtant et un auditeur à son « novembre ». Réussite, quoi qu’il en soit, d’une création originale où l’insensibilité n’est pas de mise pour qui est prêt à l’exploration roc(k)ailleuse. La variété patiemment mesurée des mises en forme sonores est à la hauteur du défi ainsi relevé pour une réalisation convaincante, avec le concours pour l’un ou l’autre titre de Céline Garnier au violoncelle, Thierry Artur à la contrebasse. Unité de groupe, apports bien dosés comme l’orgue de Pierre Salomon pour clore l’album, dans « l’amuseur », texte et musique ayant trouvé les accents pour emporter mon adhésion méditative dans le silence qui soudain s’esquisse en suspension.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
30 mai 2011

Dode, Comédie – Sesame 2011

“… et pour demain un nouveau soleil” : extrait de “Novembre”