Chronique du 10 juin 2011

Voilà qu’on se retrouve plutôt nombreux, un soir de grande brumasse, dans la salle au tapis vert de la préfecture de Saint-Pierre et Miquelon à l’occasion de la visite éclair d’un Inspecteur de la Culture, payé pour faire le tour de l’Outre-Mer histoire de nous vendre en deux coups de cuiller à pot (ô Perrette) une soupe concoctée à Paris. Objectif : mise en place d’une Agence de… (blablablabla – je résume) qui aura pour mission de… (blablablabla – je résume derechef) dans le domaine hautement insaisissable de la culture, le tout provoquant, face à un tel monologue pompeux, la perplexité d’un auditoire de plus en plus effaré.

Bref, en guise de concret, que pouic !

Imagine l’ambiance : d’un côté, la masse des écouteurs ; de l’autre le péroreur. Bref, nous, les « ploucs » ; lui, le grand missionnaire aux circonvolutions oiseuses, retranché dans la justification imparable des Assises de l’Outre-Mer à têtes chercheuses, qui laissèrent dans leur sillage les effluves d’une participation clairsemée.

C’est qu’il était sans doute content de lui, le Cultivé. C’était sans compter sur notre perception insulaire qu’une fois de plus ce genre d’émissaire se trompait d’époque ; pouvons-nous encore accepter en 2011 les relents des hautes condescendances coloniales ? Car le visiteur (d’une journée) n’avait manifestement aucune idée de la diversité de la vie culturelle locale, pardon de la « polyvalence », mot qui seyait davantage à ses esgourdes. Tout n’était, dans le verbiage incessant pour solde de tout compte à zéro la barre, qu’embrouillamini brumeux alors que nous aurions aimé, tout simplement, en ce printemps de grisaille, entrevoir un peu de soleil.

Sans doute est-il bon de rappeler que si l’on peut être convaincu de l’importance de la dimension culturelle dans notre identité particulière, c’est qu’on aura tous, dans des domaines extrêmement variés, retroussé les manches, sans attendre le blablatage des touilleurs de sauces technocratiques trop de fois resservies.

Aussi me huilerai-je les badigoinces en puisant dans une de mes chansons de jeunesse :

«  Ô vous qui arrivez de France ou de Navarre
Ne vous méprenez pas et n’imaginez point
Que derrière nos façades il ne se passe rien ».

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
10 juin 2011