Chronique du 27 juillet 2011

Bon (tu vois, le premier mot campe d’entrée l’état d’esprit), un ministre de la Culture vient nous visiter. Frédéric Mitterrand, qu’il s’appelle ; je le mentionne pour les lecteurs futurs, à même d’oublier l’identité des passereaux, comme je peux le faire moi-même ; mais aussi parce qu’il aura concrétisé la promesse faite à notre députée (non, ce n’est pas une faute d’orthographe, c’est une adaptation lexicale volontaire) de venir nous rendre visite. Trois jours à Saint-Pierre et Miquelon méritaient qu’on relevât l’honneur qui lui est ainsi fait : s’immerger dans une insularité chargée d’Histoire (avec le H des travailleurs de la mer).

Car il n’est pas de dimension culturelle coupée de notre ordinaire, chargé de la détermination de nos ancêtres, mais aussi des pêcheurs et travailleurs de nos usines de pêche d’aujourd’hui qui veulent poursuivre l’aventure avec force courage. Marins du Beothuk, de l’Atlantic Odyssey, mais aussi des plus petites unités, mes pensées vous accompagnent, comme elles accompagnent ceux qui transforment le poisson à terre, à Miquelon, à Saint-Pierre. Comment ne pas penser à tout ce que doivent subir les laissés pour compte de nos propres errements ? Faut-il qu’une usine soit fermée pour que l’on se rende compte de la vétusté des canalisations d’ammoniac ? Ô responsables en col blanc, la vie communautaire n’est possible que par les bleus de travail !

Nos chansons sont là pour traduire cette complexité de l’impossibilité des évidences. Hissons haut nos couleurs, sans forfanterie, mais sans complexes, car notre insularité française nord-américaine a tout autant son importance que celle de n’importe quel coin de notre identité commune. Ne serions-nous pas voués à la disparition dans l’uniformité ? Que vivent les brassages qui sont ceux des havres de l’océan ! La mer ne nous a jamais habitués à la monotonie ; rien n’y est jamais acquis ; la moindre tonalité fait partie du renouveau perpétuel.

Qu’un ministre, indépendamment des choix salutaires de ceux qui renouvellent la démocratie, s’imprègne de nos îles ne peut nous laisser indifférents. On peut même en faire des chansons…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
27 juillet 2011