Chronique du 4 juillet 2011

Temps de brouillard classique pour les images convenues de nos îles engrisaillées. Un goéland argenté, pour se distinguer, aura eu la bonne idée de flâner sur le macadam. Mon regard aura été aussi attiré par les bacs à fleurs déposés rue maître Georges Lefèvre et Maréchal Foch pour délimiter les zones piétonnes de juillet et août, brisant la monotonie abandonnée des poteaux métalliques qui n’avait que le chic d’accentuer les impressions de mise en cage. Ceux qui ont été conservés viennent cette fois heureusement ponctuer le phrasé déroulé des fleurs propres à éclairer nos âmes en quête de beaux jours. Mais massifs floraux et agapes des sorties nocturnes devront apprendre à cohabiter, ce qui ne résulte jamais de points de vue à sens unique.

Eh oui, Saint-Pierre s’essaie aux allures de farniente, malgré la brise de suète obstinée rarement annonciatrice de ciel bleu. Temps idéal pour enclencher une nouvelle visite au Musée Heritage, projet abouti de par la volonté d’un couple passionné, dans une bâtisse qui à elle seule aura marqué une grande page de notre histoire, hier la maison Henri Morazé. Mon plaisir n’aura fait que s’accroître – oui, je sais, les faits ayant d’autant reculé depuis ma dernière flânerie – ; que je te le dise d’emblée, ô lecteur, j’ai été une nouvelle fois subjugué, en optant pour la formule PASSE, ce qui m’invitera à y retourner. L’évolution, pour qui a déjà franchi le seuil de porte, est sensible. Clarification dans la mise en valeur des objets – je l’ai noté dans l’espace consacré à notre passé religieux -, nouveaux objets, dont toute l’entrée consacrée à l’histoire du cinéma (j’aurai ainsi mieux percuté sur le cinéma Excelsior, par exemple, celui qui aura brûlé le 18 juin 1939 entraînant avec lui une partie du centre-ville), salles enrichies, dont celles consacrées à notre patrimoine maritime, notamment pour tout ce qui avait trait au travail à terre, le calfatage par exemple ; fresque réalisée par Jean-Jacques Oliviero qui elle aussi fourmille de nouveaux détails, comme une page de Chateaubriand… Pour finir, j’aurai pris le temps – je m’en serais voulu de ne pas l’avoir fait – de visionner un montage vidéo consacré à la prohibition, projeté sur un écran comme au temps du cinéma d’antan. Bonheur d’écouter à nouveau Jean Busnot, dont je retiens encore les histoires du temps où nous nous rencontrions au Joinville, mais aussi René Dagort et André Lepape, en passant par Joseph Lehuenen, mais aussi Marie Enguehard, née de La Villefromoy. Occasion de relativiser la manne de la prohibition états-unienne à Saint-Pierre et Miquelon, l’ouvrier touchant alors un dollar pour neuf heures de travail. Mais la paie tombait au bout d’une semaine, ce qui était un plus important par rapport aux us de la pêche ; témoignage intéressant également de madame Enguehard quant à la fréquentation de ceux qui faisaient un tour plus touristique, de New York à Terre-Neuve en passant par Saint-Pierre. Occasion rêvée de s’en jeter derrière le gargoton, quand ça ne finissait pas par couler sur le plancher.

Le musée Heritage ne peut qu’enchanter le visiteur tant il est riche de notre histoire insulaire. Comment résister d’ailleurs au charme intérieur de cette superbe construction aux bois et briques superbement entretenus ? Les effluves des cordages apportent une touche de choix, comme le ferait un peintre dans son inspiration ultime.

Aussi me sentais-je prêt, pour prolonger ce bien-être, à opter pour les Délices de Joséphine, avide d’une tasse de thé au fumet boisé qui prolongeait mes rêveries.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 juillet 2011

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